Littérature

Le plus littéraire des peintres de son temps

Par James Benoit · L'ŒIL

Le 26 mars 2018 - 303 mots

Si Eugène Delacroix, grand représentant du romantisme en peinture, n’a jamais écrit de roman, il n’en demeure pas moins le plus littéraire des peintres de son temps.

Il manifeste dès sa jeunesse un vif intérêt et un talent singulier pour l’expression artistique, en premier lieu la musique, et il appréciera toute sa vie la compagnie des compositeurs, puis l’écriture romanesque et le théâtre, et il en nourrira l’ensemble de son œuvre. Mais il se détourne rapidement de la pratique des crayons pour embrasser les pinceaux. Critique envers l’art d’écrire, il lui préfère l’éloquence directe et immédiate des tableaux, jugée moins « mécanique ». Il ne perdra néanmoins jamais son goût pour l’écriture. Il puisera souvent pour ses tableaux sa source d’inspiration dans le théâtre shakespearien et dans les figures littéraires, aussi bien que dans les thèmes orientaux et les faits d’actualité, historiques ou religieux. Dans son journal intime, commencé en 1822, interrompu en 1824, puis repris en 1847 jusqu’à sa mort en 1863, et considéré depuis toujours comme son chef-d’œuvre littéraire, il détaille avec aisance ses états d’âme, ses réflexions sur les arts, ses liens amicaux et les mouvements de la vie parisienne en son temps. Ce qu’on découvre à présent à travers le recueil de ses trois écrits de jeunesse, c’est son talent proprement littéraire de compositeur d’histoire. La formule n’en est évidemment pas parfaite, mais elle cède en maîtrise et en constance ce qu’elle gagne en tempérament et en naturel. Elle dévoile une belle recherche d’effets de littéraires et une fougueuse inspiration romantique puisée aux sources de Chateaubriand et de Shakespeare, qui laisse la place aux spontanéités de l’esquisse. Et en ce sens, elle révèle au lecteur une part plus intime de son auteur qui ne transparaît que peu sous le glacis de ses œuvres peintes. Plus encore que les traits autobiographiques du jeune auteur qui se dessinent entre les lignes, on reconnaît sous sa forme juvénile l’ardeur du maître et son langage pictural en devenir, l’incarnation d’un style.
 

 Les Dangers de la cour, suivi de Alfred et de Victoria, Flammarion, 240 p., 17 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : Le plus littéraire des peintres de son temps

Tous les articles dans Médias

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque