Avec « Rouge », Michel Pastoureau poursuit ses investigations chromatiques, dans une démarche transversale et accessible à tous.
Après le bleu (2000), le noir (2008) et le vert (2013), Michel Pastoureau s’attaque au rouge. « Le rouge est un océan ! », écrit-il en avant-propos de Rouge. Histoire d’une couleur, publié aux Éditions du Seuil. L’historien poursuit donc son odyssée chromatique, retraçant l’importance et la portée de la couleur rouge de la préhistoire à nos jours. « Il s’agit bien d’une histoire de la couleur rouge, pas d’une encyclopédie du rouge, encore moins d’une étude de celui-ci dans le seul monde contemporain », prévient l’auteur. Fruit de trente ans de séminaires dirigés à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), l’ouvrage se présente comme un récit chronologique élégant et richement illustré, se concentrant sur le mêmes fils conducteurs (lexique, vêtement, art, symboles) que ses précédents livres. Michel Pastoureau a découpé sa narration en quatre partie : des origines à la fin de l’Antiquité, du VIe au XIVe siècle, du XIVe au XVIIe siècle et enfin du XVIIIe au XXIe siècle.
La primauté du rouge sur toutes les autres couleurs apparaît dès les premiers temps. Chauvet, Cosquer, Lascaux, Altamira : les grottes préhistoriques regorgent de peintures pariétales où le rouge est omniprésent, avec le noir. Mais pour obtenir les tons écarlates issus d’un minerai de fer, les hommes de la préhistoire ont dû inventer des techniques complexes (mélange, dilution, addition de charge), alors que le noir provenant du charbon de bois est d’un usage plus simple. Pour l’auteur, dès les origines, le rouge est « la couleur par excellence ».
Le passage entre le Moyen Âge et la Renaissance est sans doute le plus passionnant du récit de Pastoureau. Couleur impériale, qui a la faveur des élites médiévales, le rouge se teinte de dangerosité à l’orée du XIVe. Autrefois paré de vertus prophylactiques, le rouge devient le symbole de la luxure, encadré par les lois somptuaires de la Réforme protestante. Jusqu’ici vêtus d’écarlate, les papes vont s’habiller de blanc, le bleu va l’emporter comme couleur admirée de tous. Cette transition sur plusieurs siècles aboutit au XIXe à un rouge comme couleur politique.
Le dernier chapitre, dévolu au XXe siècle, donne un peu l’impression d’un « fourre-tout », évoquant sur six pages la Croix-Rouge, le Père Noël ou le stylo rouge utilisé pour la correction. Comme pour les autres ouvrages, la limite des 200 pages est frustrante.
Le récit s’achève sur une note sentencieuse. Parlant du rouge, l’auteur estime que « sa longue histoire est sans doute devenue trop lourde à porter pour nos sociétés contemporaines, fatiguées de ne plus croire à leurs propres valeurs et tournant chaque jour davantage le dos à leur passé ». Cette histoire du rouge, riche et passionnante, méritait mieux que ce jugement final ambigu.
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Le petit livre du rouge
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Abonnez-vous dès 1 €Éditions du Seuil, 216 p., 39 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Le petit livre du rouge