PARIS
« Il existait déjà un œil cinématographique avant même l’arrivée du cinéma », affirme la voix off dès l’introduction du documentaire L’Œil, le pinceau et le cinématographe.
En effet, si le cinéma fut incontestablement une révolution, celle-ci ne fut pas brutale, mais plutôt le fruit de plus d’un siècle d’innovations et d’expérimentations – scientifiques et artistiques. C’est ce que démontre ce film réalisé par Stefan Cornic et visible sur Arte jusqu’au 20 février, dans le cadre de l’exposition « Enfin le cinéma ! Arts, images et spectacles en France (1833-1907) », présentée en ce moment au Musée d’Orsay. L’avènement du septième art ne peut se comprendre sans s’intéresser aux grands bouleversements du XIXe siècle : la révolution industrielle, l’urbanisation et la modernisation de la ville, ou encore la spectacularisation du monde, et notamment de Paris, transformée en ville spectacle. Ancrés dans leurs temps, les artistes s’intéressent désormais à représenter le foisonnement de la vie moderne, comme en témoignent les vues de la gare Saint-Lazare enfumée de Monet, les instantanés photographiques d’Henri Rivière ou encore les flâneurs peints par Caillebotte. La représentation de la vie urbaine et de la modernité a rapidement acquis une grande popularité, et c’est bien dans le fait de saisir l’extraordinaire dans l’ordinaire que réside la révolution cinématographique. Si la première projection publique au cinématographe à Paris en décembre 1895 est aujourd’hui considérée comme la date de naissance du cinéma, l’outil de Louis Lumière doit en réalité beaucoup aux inventions qui l’ont précédé, des études de Muybridge sur la décomposition du mouvement d’un cheval au galop au kinétoscope d’Edison, en passant par la chronophotographie mise au point par le scientifique Étienne-Jules Marey et le praxinoscope d’Émile Reynaud. Enfin, il a encore fallu plus d’une dizaine d’années d’expérimentations pour que le cinéma devienne, au début du XXe siècle, un loisir de masse. C’est à l’orée de la Première Guerre mondiale, avec l’industrie du cinéma alors en pleine croissance, que s’achève ce captivant documentaire, convoquant de nombreux intervenants : historiens, conservateurs (les trois commissaires de l’exposition d’Orsay), mais également artistes (Tacita Dean, Mark Lewis) et cinéastes contemporains (Christian Petzold, Olivier Assayas).
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Le cinéma avant le cinéma