Inspiré du roman Les Paysans, écrit en 1909 par le Nobel polonais Wladislaw Reymont, ce nouveau long métrage du couple Welchman est une création magique où peinture et littérature fusionnent.
La rotroscopie est une technique ancienne à l’échelle du cinéma et récente à l’échelle de la peinture. C’est là son originalité. Le procédé consiste à reproduire, plan par plan, les contours d’images captées en prise de vue réelle. La rotroscopie reste un travail complexe et minutieux, mais elle se marie aujourd’hui à l’informatique. À l’écran, ces images à la fois peintes et réelles atteignent une fluidité stupéfiante. En 2017, Dorota Kobiela (dite DK) Welchman et Hugh Welchman signaient La Passion Van Gogh, évocation en rotroscopie des derniers mois de Van Gogh. Leur nouveau projet, La Jeune fille et les Paysans, poursuit cette démarche. Le duo s’attaque cette fois au roman monumental du Prix Nobel polonais Wladislaw Reymont (1867-1925), traduit en français sous le titre Les Paysans (éditions L’Âge d’homme). L’histoire, écrite en 1909, se déroule au XIXe siècle dans un petit coin de la Pologne rurale. Jagna, la plus jolie fille du village, est promise à un riche veuf, propriétaire terrien. Mais elle a d’autre désirs et, au fil des saisons, sa soif de liberté va se heurter à l’hostilité des villageois, puis à leur violence.
Dans La Passion Van Gogh, DK et Hugh Welchman se contentaient d’animer les toiles de Van Gogh. Tant du point de vue du cinéma que de l’histoire de l’art, ce projet était sinon discutable, du moins un peu simpliste. Pourquoi donner du mouvement à une œuvre conçue pour la fixité ? Le couple propose ici une approche de la peinture à travers la rotroscopie, moins frontale et plus stimulante. Il ne s’agit plus de recréer un catalogue ou une exposition animée, mais d’offrir une palette à un texte écrit. Les cinéastes replacent Wladislaw Reymont dans le mouvement moderniste de la Jeune Pologne, parmi les nombreux artistes qui ont émergé entre la dernière décennie du XIXe siècle et la seconde guerre mondiale. Avant le tournage, DK Welchman a compilé les œuvres d’une trentaine de peintres de l’époque dans un document destiné à ses collaborateurs. Si certains n’ont fait que donner une direction au travail d’animation, d’autres sont véritablement convoqués dans le film, comme Michal Gorstkin-Wywiorski (1861-1926) ou Ferdynand Ruszczyc (1870-1936). Les cinéastes se sont surtout inspirés de Jozef Chelmonski (1849-1914) dont ils reproduisent, comme un reflet inversé, L’Été indien. Trésor du musée de Varsovie, la toile montre une jeune paysanne allongée dans l’herbe, pieds nus et rêveuse, absorbée par la dérive des nuages. Dans le film, cette jeune femme devient donc l’héroïne, Jagna. On ne sait pas si, au début du XXe siècle, Reymont avait en tête, en écrivant son roman, cette œuvre de Chelmonski peinte en 1875. Cependant, DK et Hugh Welchman ont su concevoir l’écran de cinéma comme un lieu de rendez-vous magique, un carrefour d’images et de sons où la peinture de la fin du XIXe siècle, la littérature et la technologie numérique se rencontrent.
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Le beau mélange du cinéma et de la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Le beau mélange du cinéma et de la peinture