Éditeurs et musées accueillent du 15 au 21 mai la 18e édition de ce rendez-vous du livre d’art.
Manifestation traditionnelle du printemps, le Mai du Livre d’art fait son retour cette année avec dix-sept éditeurs spécialisés qui mettent en avant, chez les libraires ou dans les musées, l’un de leurs derniers titres. La présence d’une toute nouvelle maison, Thalia, créée en novembre 2005 par Aleksandra Sokolov et dont la collection « Art et civilisations » se consacre à la publication d’ambitieux ouvrages de fond sur l’art chrétien, pourra être perçue comme un signe de témérité dans ce secteur déprimé. À l’occasion du « Mai », le Syndicat national de l’édition a en effet rendu publique une analyse récente du marché du livre d’art (1). Si celle-ci laisse apparaître une très légère embellie entre avril 2005 et mars 2006 ( 0,6 % du chiffre d’affaires, pour un volume de ventes stable), elle souligne le peu d’impact économique de cet événement printanier. L’essentiel des ventes continue ainsi de se produire à l’occasion des fêtes de fin d’année (40 % des ventes de l’année en novembre et décembre), contre seulement 7 % au cours du mois de mai, soit à peine plus que lors des mois traditionnels. Enfin, la majorité des ventes porte toujours très largement sur la peinture, les arts graphiques et la photographie, dont le marché a connu une forte croissance au cours des douze derniers mois, essentiellement grâce aux catalogues d’exposition (« Turner, Whistler, Monet », « Vienne 1900 » et « Mélancolie »). Le palmarès est toutefois significatif, puisque les cinq meilleures ventes concernent des livres du photographe Yann Arthus-Bertrand. Mais s’agit-il vraiment de livres d’art ?
(1) Cette étude a été réalisée par l’Institut d’études marketing GfK sur une période allant d’avril 2005 à mars 2006.
Vertugadins contemporains
Nouvelle livraison de la collection « Tableaux choisis », ce petit opuscule procure en une centaine de pages les clefs de compréhension des créations paysagères les plus actuelles. Si l’art des jardins est redevenu très populaire depuis quelques années, son histoire non linéaire au cours du XXe siècle, marquée notamment par la crise des « trente glorieuses », a généré une grande diversité d’attitudes chez ses concepteurs. Du jardin inscrit dans l’histoire (le jardin des Tuileries replanté par Pascal Cribier et Louis Benech) à la nouvelle génération de parcs publics (La Villette par Bernard Tschumi), en passant par les produits culturels (le festival de Chaumont-sur-Loire de Jean-Paul Pigeat), sans oublier les créations plus personnelles ou les interventions écologiquement correctes, ce livre propose un tour d’horizon éclairant les réalisations les plus remarquables de ces trente dernières années.
- Hervé Brunon, Monique Mosser, Le Jardin contemporain, éd. Scala, 2006, 128 p., 15 euros, ISBN 2-86656-375-1.
Quand les tranchées sortent de l’obscurité
En juin 1907, les frères Lumières commercialisent le premier procédé direct de photographie en couleur : l’autochrome. Relevant d’une technique complexe qui utilise des milliers de grains minuscules de fécule de pomme de terre colorée, l’autochrome nécessite de très longs temps de pose, qui le condamneront dès les années 1930 au profit du Kodachrome. Mais pendant plus de vingt ans, le succès aura été à la mesure de la portée de l’invention. En témoigne ce catalogue de l’exposition « Les couleurs retrouvées, autochromes 1914-1918 », présentée au palais du Tau, à Reims, et consacrée à quelques étonnants reportages photographiques réalisés lors de la bataille de la Marne, sur le front de Champagne ou dans la ville de Reims dévastée. Ainsi, alors que la plupart des photographies de guerre sont aujourd’hui réalisées en noir et blanc, le premier conflit mondial a pu être couvert différement grâce à ce nouveau procédé. Ces images provoquent toutefois le trouble en raison de l’absence de toute trace de sang. Elles ne visent pas en effet à suivre le feu du combat, mais à détailler presque systématiquement l’avant et l’après des batailles.
- Couleurs de guerre, autochromes, 1914-1918, Éditions du patrimoine, 2006, 118 p., 32 euros, ISBN 2-85822-879-5
Somme byzantine
Spécialiste de la peinture murale byzantine et directeur de recherche au CNRS, Tania Velmans signe ici le premier volume de la collection « Arts et Civilisations » de Thalia. Si celui-ci consiste en une reprise de l’ouvrage publié en 1999 chez Zodiaque, aujourd’hui épuisé, il s’enrichit d’une importante iconographie, d’où son prix élevé. Rare ouvrage de synthèse sur le sujet – qui traite toutefois essentiellement des grands décors (peintures murales, fresques et mosaïques) –, il se déroule selon un plan chronologique d’une grande clarté. De la naissance de l’empire byzantin sur les ruines de l’Empire romain jusqu’à la chute de Constantinople au XVe siècle, les événements religieux et politiques jouent en effet un rôle constant dans l’élaboration de l’iconographie. Autre intérêt majeur de l’ouvrage : il couvre un champ géographique très large, en traitant la Russie, l’Ukraine, ou encore les empires serbes et bulgares, des zones fortement influencées par les traditions picturales byzantines.
- Tania Velmans, Rayonnement de Byzance, éd. Thalia, 2006, 320 p., 117 ill. couleur, 267 ill. noir et blanc, 98 euros, 2-35278-001-2.
La sombre histoire d’une couleur
Traditionnellement associé en Occident à l’angoisse, au deuil ou à mélancolie, le noir est l’une des couleurs les plus expressives de la peinture. C’est à sa place dans l’art – mais surtout dans la peinture – que le critique et historien de l’art Gérard-Georges Lemaire consacre cet ouvrage illustré. On regrettera son parti pris de n’accorder ses lettres de noblesse au noir qu’à partir du XVIIe siècle, avec le développement du clair-obscur et dans le sillage du Caravage, alors que celui-ci a eu une importance non négligeable dans l’évolution du portrait au cours de la Renaissance. Après les tons pastel et les frivolités du XVIIIe siècle, le noir s’impose toutefois dans la peinture du XIXe siècle, avant de devenir l’une des couleurs phares de la peinture abstraite moderne, qui saura exploiter ses multiples tonalités pour faire vibrer la matière.
- Gérard-Georges Lemaire, Le Noir, éd. Hazan, 255 p., 50 euros, ISBN 2-85025-96- 2.
L’identité juive et la question de l’art
« La question nous importe plus que la réponse. » C’est ainsi que Dominique Jarassé, professeur d’histoire de l’art contemporain, débute cet essai consacré à ce sujet complexe : « Existe-t-il un art juif ? ». Si, d’emblée, il souligne à quel point il est inconcevable d’y apporter la réponse d’un « art fait par les juifs », expression trop souvent connotée d’antisémitisme, il ne cherche toutefois pas à la dissocier de la question de l’identité. « N’y aurait-il pas autant de formes de l’art juif qu’il existe de manières de définir l’identité juive, au point qu’il semblerait plus judicieux de parler d’arts juifs ? », s’interroge l’auteur. Après avoir défini les termes d’art judaïque puis d’art ou de genre israélite, Dominique Jarassé aborde la question de l’art juif moderne pour terminer sur une analyse de l’historiographie de l’art juif. Une étude historique qui vient enfin étayer une bibliographie jusque-là presque exclusivement écrite en langue anglaise ou allemande.
- Dominique Jarassé, Existe-t-il un art juif ?, éd. Biro, 2006, 231 p., 22 euros, ISBN 2-35119-012-2
Du 15 au 21 mai, dans les librairies et les musées ; programme complet des rencontres et conférences : www.mai-livredart.com À noter, une table ronde : « Quel avenir pour le livre d’art ? » est organisée le 20 mai à 16 heures, hôtel de Sully, Centre des monuments nationaux, salle Dezeuze, 62, rue Saint-Antoine, 75004 Paris ; inscription recommandée au 01 44 41 40 69 ou sne-art@sne.fr
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La ritournelle du « Mai »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°237 du 12 mai 2006, avec le titre suivant : La ritournelle du « Mai »