À l’heure du numérique, les revues redeviendraient-elles à la mode ? Ces supports papier « à la papa » bénéficient, ces derniers temps, d’un étonnant regain d’intérêt.
À la surprise générale, l’École des arts décoratifs de Paris vient par exemple de décliner sa revue en ligne (revuedecor.fr) sur papier en éditant cet été le premier numéro de Décor, nouveau « média dédié à l’environnement contemporain, qui s’attache à penser la création émergente », annonce l’Ensad (lire p. 141). Il y a un an, en octobre 2020, paraissait chez Textuel un autre ouvrage, historique celui-ci, piloté par le Centre Pompidou et la Bibliothèque Kandinsky, sur La Fabrique de l’histoire de l’art, soit une recension de deux cents revues spécialisées éditées entre 1903 et 1969 – parmi lesquelles le magazine L’Œil, créé en janvier 1955. Ce dernier livre devait voler la priorité à un autre projet, scientifique celui-ci, tourné vers « une histoire globale des revues critiques et culturelles » non européennes aux XIXe et XXe siècles. Sismographie des luttes, c’est le titre donné à ce passionnant projet collectif dirigé, au sein d’un programme de recherche de l’Institut national de l’histoire de l’art (INHA), par l’historienne de l’art et autrice Zahia Rahmani. Quand La Fabrique de l’histoire de l’art dresse une simple collection de couvertures de revues déjà identifiées, Sismographie des luttes (à la fois une installation vidéo, un portail Internet et une double publication) prend le contre-champ d’analyser sur plusieurs continents la place des revues, « ces objets fragiles et éprouvés », dans l’expérimentation formelle, identitaire et politique de communautés. Zahia Rahmani remarque, en effet, que les revues « font constamment irruption dans les luttes menées par des femmes et des hommes pour leur émancipation », notamment contre la puissance coloniale. Elle est, poursuit la chercheuse, « un laboratoire de la modernité » : « Partout dans le monde, la revue a été un support d’expression critique générateur de modernité. Elle met à l’épreuve des pratiques artistiques, littéraires et politiques singulières, et se décline à la fois en laboratoire d’expérimentation, atelier d’écriture et tribune. » Parmi les quelque mille revues étudiées, certaines sont célèbres, à l’instar de Présence africaine, dont la position anticolonialiste va devenir de plus en plus forte au fur et à mesure des parutions ; d’autres – en réalité la majorité – sont plus confidentielles, à l’image d’Hawar, qui a participé à la formation du nationalisme kurde. Mais toutes se font le laboratoire graphique, artistique et littéraire d’une pensée politique. Lorsque l’artiste argentin Edgardo Antonio Vigo (1928-1997) propose par exemple de déplier la revue Hexágono ’71 percée en son centre, c’est pour mettre le lecteur face au dessin façon pop art d’une arme à feu. Le sujet de ce numéro bc paru en 1972 ? « USA versus Latin American ».
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La revue, support de modernité ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : La revue, support de modernité ?