Jean Brun et Boris Lejeune s’interrogent sur la beauté dans un essai qui invite
à revenir à l’essence de l’art et à sa fonction de célébrer la beauté.
« Le monde a fait taire la beauté pour ne plus faire entendre que sa propre voix », tonnait Jean Brun (1919-1994), philosophe chrétien, qui s’éleva dans toute son œuvre contre le mépris de Dieu. L’annonce de la mort de l’art s’expliquerait, selon lui, par « la revanche que veut prendre le monde contre la beauté qui, née dans le monde, n’est pas née de lui. »
Jean Brun est l’auteur d’une trentaine de livres traitant de l’histoire de la philosophie et de multiples opus de la collection « Que sais-je » consacrés à des grands noms ou courants de la philosophie, de Platon à Kierkegaard en passant par les stoïciens et Pascal. Tout au long de sa vie, il s’est livré à travers ses écrits à de nombreuses réflexions sur l’art, qui se trouvent rassemblées dans la première partie de ce volume posthume intitulé Qu’est ce que la beauté ? Fin connaisseur de l’œuvre du philosophe et lui-même artiste, Boris Lejeune poursuit, dans une postface qui occupe les deux tiers du volume, le travail de réhabilitation de « la conception la plus noble de l’art » qui fut celui de Jean Brun.
Idéologies de l’esthétique
Les philosophes de l’Antiquité ont été les premiers, expliquent nos deux auteurs, à montrer que l’essence de l’art et sa raison d’être sont de chanter la beauté du Créateur. Ainsi de Plotin (205-270) pour lequel « le beau est un reflet de l’Un ». Pour Pseudo-Denys l’Aréopagite, auteur de traité chrétien de théologie mystique qui aurait vécu vers l’an 500, l’expérience esthétique serait une voie primordiale pour connaître Dieu. Las, ce bel équilibre est emporté par l’irruption de la pensée de René Descartes et de son postulat – « Je pense, donc je suis » – qui conduisent à une primauté de la conscience et du sujet sur l’existence. Au cours de cette période, souligne Boris Lejeune, on voit l’homme se faire la mesure de toute chose, devenir son propre Dieu, l’idole de soi-même. « Cette intellectualisation extrême amène à ne plus croire que la perception sensible du monde est vraie. (… ) Pour Descartes, la beauté est tout aussi douteuse et arbitrairement subjective que les perceptions sensorielles », poursuit Boris Lejeune. Le cartésianisme aurait ainsi donné naissance à une vision « mécanistique » de l’art qui débouchera sur le futurisme, le cubisme et l’abstraction géométrique. Cette promenade à travers l’histoire de la philosophie, alerte et d’une lecture plaisante, nous fait cheminer de Pascal – qui privilégie la voie du cœur « qui a ses raisons, que la raison ne connaît point » – vers Kant, Hegel ; puis partir à la rencontre de Nietzsche, dont la pensée conduira par la suite, dans la deuxième moitié du XXe siècle, à une éviction de toute référence au transcendant dans la théorie et la pratique de l’art. Dans un dernier chapitre moins heureux, où le ton vire au pamphlet, nos auteurs s’emportent contre « l’esthétique du laid » qui serait celle de l’art contemporain épinglant au passage « le rôle exorbitant de la technocratie » dans la crise actuelle de l’art. Pour terminer, ils en appellent au « bon sens » pour « distinguer la vérité de la fausseté, la beauté de la monstruosité ».
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La beauté comme expression de l’Être
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Abonnez-vous dès 1 €Jean Brun et Boris Lejeune, QU’EST CE QUE LA BEAUTÉ ?, Éditions Desclée de Brouwer 2015, 202 p., 18,50 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : La beauté comme expression de l’Être