Chaque mois, Laure Albernhe, l’animatrice des Matins Jazz sur les ondes de TSF JAZZ, rencontre un musicien inspiré par les arts visuels. Ce mois-ci : Jeremy Pelt
Le trompettiste américain Jeremy Pelt aime fréquenter les musées. Ce qu’il fait beaucoup lorsqu’il est en tournée. Lorsqu’il joue à Paris, il ne manque pas de passer par le Louvre et le Centre Pompidou, sans oublier le Musée Rodin, où il a ses habitudes.
La suite de Rodin est un hommage à certaines de ses œuvres en particulier, que j’ai découvertes, il y a au moins une quinzaine d’années, au Musée Rodin. Celle à laquelle je me suis vraiment confronté en premier, c’est La Porte de l’Enfer. J’aime m’asseoir en face et en observer tous les détails. Tout comme avec Les Bourgeois de Calais, qui est à côté. À chaque fois, je reste captivé. Dans le jardin, il y a toujours des étudiants qui en font des esquisses. Et une fois, je me suis dit que je pourrais faire la même chose, à ma manière, avec mon cahier de partitions, en notant mes impressions, la musique qui me venait à l’esprit en regardant ces sculptures.
C’était l’année dernière, en mai 2018. Je suis venu à Paris pendant deux semaines juste pour ça, pour aller au musée. Je n’avais pas de concert à donner. Deux ou trois fois par semaine, je passais en revue les œuvres qui me parlaient le plus. Sur un petit carnet de composition, je notais parfois juste une ou deux mesures d’un thème. Ensuite, je rentrais à mon logement et je me mettais au clavier pour affiner ce travail. Pour certains morceaux, j’ai écrit le thème dans le musée.
Elle me paraît avoir une influence incroyable sur la musique, sur les tempos notamment. Parfois, ce n’est pas la sculpture elle-même, mais ce qui se passe au-delà, l’histoire autour de l’œuvre. Par exemple, le morceau consacré à La Porte de l’Enfer est peut-être la partie la plus avant-gardiste de toute ma suite. Elle n’a pas de véritable thème musical, et c’est à dessein, parce qu’en observant l’œuvre, j’ai tenté d’évoquer ce qui se dérobait à mon regard. Je me suis documenté et j’ai appris que Rodin s’était largement inspiré de la Divine Comédie. Alors, j’ai cherché dans le livre de Dante ce qui était relatif aux neuf « cercles de l’Enfer ». C’est comme ça qu’est né le concept de ce morceau.
Pour Les Bourgeois de Calais, l’œuvre en elle-même m’impressionne beaucoup, avec ces prisonniers qui font route vers un destin inconnu. L’un d’eux a le port altier alors qu’un autre tient sa tête entre ses mains. D’où le titre que j’ai donné au morceau, Dignité et Désespoir, en me basant sur l’œuvre, mais aussi sur l’histoire qu’elle décrit. Pour L’Éternel Printemps, c’est avant tout son mouvement qui m’a impressionné. Bien qu’elle soit assez proche du Baiser par son sujet, l’œuvre porte en elle davantage de mélancolie. L’homme enlace la femme d’un bras, l’autre est étiré derrière lui. Je ressens plus de passion. Je voulais capturer ce mouvement en musique. J’ai donné au morceau le nom de Camille Claudel en hommage à celle qui n’était pas seulement l’amante de Rodin, mais aussi une sculptrice extrêmement talentueuse elle-même.
J’adore Picasso. J’ai une affection profonde pour son travail. J’aime aussi ses contemporains, comme Miró ou Matisse. Donc je vais voir leurs œuvres aussi souvent que je le peux.
Quand j’étais enfant, je peignais souvent. Mais je n’ai pas eu le désir de devenir peintre, même si la peinture m’attire pour son effet cathartique, comme la musique. La composition est une part importante pour l’une comme pour l’autre. Si un peintre compose sur une toile, ma toile est une partition.
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Jeremy Pelt : "J’ai écrit le thème de certains morceaux au Musée Rodin"
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Jeremy Pelt : "J’ai écrit le thème de certains morceaux au Musée Rodin"