S’il s’agissait de démontrer combien Frank Gehry est une figure controversée, la couverture du beau livre que lui consacre Jean-Louis Cohen aux éditions Flammarion viendrait à point nommé.
En montrant l’édifice de métal, de béton et de verre de la Fondation Luma à Arles, celle-ci assume d’emblée ce qu’il y a d’explosif chez l’architecte américain. « Moche », « anachronique », « indifférent au contexte » : à propos de son dernier opus, les contempteurs sont allés bon train. Or c’est justement la singularité de Gehry que de jongler allègrement avec ces notions, de les ignorer ou de les tordre à sa guise. L’introduction de l’ouvrage le rappelle, au besoin, d’une citation programmatique, extraite d’un entretien avec un journaliste. L’architecte y affirme : « Je veux être ouvert. Il n’y a aucune règle, rien de juste ou de faux. Je ne sais pas distinguer le beau du laid. »
Pas de règles, donc, mais un style et un répertoire dont Jean-Louis Cohen s’attache tout au long du livre à souligner l’originalité. Il y a bien sûr l’application constante de Gehry à renverser la table, via un contre-pied architectural quasi systématique. Ou encore son usage pionnier de la numérisation et des outils informatiques, qui ont soutenu son exploration de techniques, formes et matériaux nouveaux. Ou, enfin, sa manière de puiser dans la création artistique, et singulièrement la peinture, les ferments d’une inspiration ou de collaborations. Pour entrer dans la pratique de Frank Gehry, Jean-Louis Cohen mobilise la notion de chef-d’œuvre, au sens d’« ouvrage capital ». L’historien de l’architecture en sélectionne ici trente-huit, depuis l’immeuble d’appartements Hillcrest à Santa Monica (1961-1962) jusqu’à la Fondation Luma (2007-2021). Il les accompagne d’un magnifique corpus photographique en couleur et en noir et blanc, d’un appareil critique convaincant et de citations de Gehry. Le tout, assure l’auteur dans l’introduction, afin de rendre compte « de ses tentatives inquiètes pour se voir reconnaître comme un architecte différent, libéré des clichés et des codes d’un métier en fin de compte conservateur, dont il a refusé l’exercice confortable ».
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Frank Gehry, les chefs-d’œuvre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°752 du 1 mars 2022, avec le titre suivant : Frank Gehry, les chefs-d’œuvre