Livre

Enrico Maria Dal Pozzolo, Giorgione

Sur les traces du mystérieux Giorgione

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 19 novembre 2009 - 416 mots

BEAU LIVRE. « Un corps pratiquement fantomatique. » La formule d’Enrico Maria Dal Pozzolo servie à quelques lignes du point final de son Giorgione, édité par Actes Sud, résume l’état des connaissances actuelles sur Giorgione (1477-1510).

Car du peintre vénitien, dont la notoriété dans l’histoire de l’art est immense, que sait-on : qu’il a peint les fresques aujourd’hui disparues (à l’exception du fragment d’un nu) de la façade du Fondaco dei Tedeschi sur le Grand Canal ; qu’il est l’auteur de la Laura, seule œuvre signée du maître ; qu’il est décédé de la peste en 1510 et… Et, ce sont à peu près les seules informations dont nous soyons sûrs à propos de Giorgione da Castelfranco.

    Pourtant, Giorgione, alias « Zorzi », a été et demeure toujours l’un des plus grands peintres qu’a connus l’histoire de l’art. Dès 1528, Castiglione le compare aux « excellentissimes » Vinci, Raphaël et Mantegna, tandis qu’en 1550 Vasari voit en lui « l’un des rares artistes capables d’exprimer dans [sa] peinture les concepts de [son] esprit ». Que le maître ait fait le lien entre Bellini, dont il a été le disciple, et Titien, son élève, explique en partie sa célébrité. En 1550, dans la Vita qu’il consacre au peintre, Vasari le sait bien, qui compte Giorgione parmi les fondateurs de la « manière moderne ». Problème, peu ou mal renseigné, l’auteur tire à la ligne et accumule les bourdes. Ses informations ne sont pas vérifiables, tant que, dans la seconde édition de 1568, le Florentin remanie son texte. Les dates changent, les attributions aussi. Et Giorgione devient un personnage de fiction.

    À partir de Vasari – et du texte d’un certain Ludovico Dolce, en 1557 –, Zorzi va se perdre dans les contributions fantaisistes de ses historiographes, dont Ridolfi en 1648. Bien sûr, le mystère qui auréole ses œuvres et sa vie va nourrir la curiosité des amateurs, comme la convoitise des faussaires. En 1869, Urbani de Gheltof, éminent spécialiste de Venise, fondateur de la Biennale, certifiera avoir trouvé un autographe du peintre. Malheureusement, il plane toujours un doute sur l’authenticité du document, comme sur l’honnêteté de son découvreur.

    Dans ce très bel ouvrage sous coffret, aux reproductions impeccables, l’auteur fait le point sur le « problème Giorgione », tout en partant sur les traces du peintre à travers les rues de Venise et l’œuvre de ses contemporains. À mettre au pied du sapin.

Enrico Maria Dal Pozzolo, Giorgione, Actes Sud, 386 p., 140 €

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : Enrico Maria Dal Pozzolo, <em>Giorgione</em>

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