Les éditions Phaidon reviennent sur la représentation de la route de la soie à travers les âges.
Comment représenter le monde ? La question a taraudé l’esprit de nombre d’érudits, bien avant cette date clé qui fit basculer l’histoire de l’« avant- » à l’« après- » Jésus-Christ. Déjà, au Ve siècle avant notre ère, Hérodote mentionnait les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire. Deux siècles plus tard, un autre savant grec, Ératosthène, élaborait, lui, le concept d’« œkoumène », ou « monde habité ». Ne restait plus alors qu’à coucher sur le « papier » ce monde habité, que l’on commençait à peine à découvrir. Le livre de Kenneth Nebenzahl, Exploration des routes de la soie et au-delà, raconte précisément la passionnante histoire de la représentation de la route vers les Indes et la Chine, depuis la carte esquissée par Abraham Ortelius en 1595, évoquant l’expédition d’Alexandre le Grand en 334 avant Jésus-Christ, jusqu’à une carte de l’Asie qu’Adrien Hubert Brué publiera au XIXe siècle. En tout, soixante-quinze cartes remarquables, qui mettent en scène, notamment, et évidemment, les périples de moult grands explorateurs, tels Vasco de Gama, Magellan, James Cook ou encore Francis Drake. Pour chacune d’elles sont mentionnés le titre, le procédé d’impression, le lieu et la date de publication, ainsi que les nom, dates de naissance et de décès, voire les années d’activité du cartographe.
Précision sidérante
Dans un premier temps – même si certaines cartes très anciennes en offrent une description pourtant réaliste –, on s’étonne de voir comment l’Europe d’avant l’époque des grandes découvertes s’imagine le monde. Puis, au fil des pages, on se délecte des progrès que la connaissance accomplit grâce aux diverses explorations, tant maritimes que terrestres. Explorations qui, notamment aux XVe et XVIe siècles, changeront radicalement la perception cartographique du globe.
Le graphisme s’avère parfois très épuré, telles ces cartes de l’Asie tracées d’après l’Atlas de Ptolémée (150 après Jésus-Christ) : la surface y est pratiquement vierge, le trait stylisé, hormis quelques guirlandes de petits triangles équilatéraux qui figurent les montagnes. Il peut, au contraire, fourmiller d’indications, comme cette Description de la Russie, de la Moscovie et de la Tartarie d’Anthony Jenkinson (1570), truffée de personnages, d’animaux, de châteaux minuscules et autres scènes de genre, façon bande dessinée. À certains moments, les couleurs abondent, comme sur ce plan de Jérusalem dessiné par un croisé vers 1240. À d’autres périodes, la surface reste désespérément immaculée, en particulier lorsqu’il s’agit de représenter quelque contrée reculée, comme le Tibet, la Mongolie ou la Sibérie.
En 1814, à Paris, paraît dans le Grand Atlas universel la « Carte de l’Asie » d’Adrien Hubert Brué, éminent géographe et éditeur français. D’un format de 61 cm par 88 cm, cette gravure sur cuivre est d’une précision sidérante : abondance de noms de lieux, usage de la couleur pour les frontières, de pointillés dans les zones désertiques, voire de lignes de crêtes hachurées et ombragées pour évoquer les collines et montagnes… Symboles novateurs et si pratiques qu’ils sont encore employés de nos jours.
KENNETH NEBENZAHL, EXPLORATION DES ROUTES DE LA SOIE ET AU-DELÀ, éd. Phaidon, 2005, 176 pages, 80 ill. en couleurs, 49,95 euros, ISBN 0-71489-442-7
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Dessine-moi le monde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Dessine-moi le monde