Compilation

Desnos et ses amis peintres

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 19 septembre 2011 - 654 mots

Les textes disparates de Robert Desnos sur les artistes surréalistes sont militants sans être idéologiques.

Les écrits sur les peintres de Robert Desnos (1900-1945), que Flammarion vient de rééditer, ne sont pas vraiment des écrits sur l’art. Le poète n’aurait d’ailleurs sans doute pas imaginé qu’un éditeur rassemble un jour tous les textes dans lesquels il parle de ses amis artistes. Un corpus assez court, puisqu’il se compose d’une cinquantaine d’écrits de tous types, qui laissent un sentiment d’inachevé. Le premier texte se présente sous la forme de questions et réponses. Il s’agit des réponses de Desnos aux questions que lui pose Max Ernst lors d’une séance d’hypnose en 1922. Le poète, qui est né avec le siècle, a rejoint le groupe des Surréalistes autour de Breton et participe à ces séances d’écriture automatique qui fondent la légende du mouvement. Sa formation autodidacte, son tempérament curieux et surtout sa capacité à s’endormir facilement le désignaient naturellement pour ces expériences. On y trouve également de nombreuses notices et autant d’articles (il fut un temps journaliste) sur les peintres proches du mouvement : Picabia, Ernst, Masson, Man Ray et bien d’autres. Y figure bien évidemment des poèmes, dont l’un porte sur Max Ernst et l’autre lui fut inspiré par un tableau de Foujita, à qui (pour l’anecdote), il « subtilisa » sa femme Youki.

Après 1930, les écrits sont plus rares. Desnos s’est en effet brouillé avec André Breton, a été exclu du mouvement surréaliste et s’est reconverti dans la création radiophonique. Il a conçu des centaines de réclames publicitaires et participe à plusieurs émissions parmi lesquelles le célèbre feuilleton Fantômas. Il reste cependant proche de quelques peintres, en particulier Picasso dont il ne cesse de célébrer le génie. Le dernier texte publié, en 1945, concerne justement celui « qui n’a aucune mesure commune avec les autres hommes ». Mais Desnos ne verra pas l’ouvrage imprimé. Engagé dans la Résistance, il est arrêté puis déporté d’un camp de concentration à l’autre et meurt du typhus le 8 juin 1945, peu de temps après sa libération par les Russes.

Familier des arts
Desnos ne se revendique pas critique d’art. Quand il écrit sur les peintres, il écrit d’abord sur ses amis, sur un mode plus enthousiaste qu’argumenté. « Pareil au moine fameux qui, loin des baumes eucharistiques, constata la présence du tonnerre dans un mélange de soufre et de salpêtre, Man Ray ne calcule pas, ne pronostique pas le résultat de ses manipulations », écrit-il ainsi en 1923 sur les expériences photographiques de l’Américain. Pour autant, Desnos est un familier des arts. Lui-même taquine le crayon et le pinceau. Ses dessins et gouaches reproduits dans l’ouvrage révèlent un autre de ses talents. Mêmes ceux réalisés sous hypnose démontrent un trait sûr et le sens de la composition.

Il ne peut évidemment pas échapper au débat sur la transposition du surréalisme à la peinture : « Seuls les dessins de médiums, les dessins obtenus à l’état second, les dessins de fous, peuvent, et dans une certaine mesure seulement, répondre [à la définition du surréalisme en peiture]. Il reconnaît très vite (en 1926) que les procédés pour générer une image automatique tournent au poncif. Comme le relève Marie-Claire Dumas, auteure de l’excellente préface, pour lui la peinture surréaliste doit s’envisager comme la révélation « d’un pays […] jamais vu ». Le tableau est créé à partir d’une image fortuite vite dessinée, ou d’une construction lente qui naît de l’inspiration. Même si, ça et là, Desnos se prononce contre la représentation naturaliste de la réalité, il ne sombre pas dans la rhétorique anti-art de ses prédécesseurs dadaïstes. Il est tout sauf un idéologue. Quelques années après son exclusion du mouvement, ne disait-il pas à son ami peintre Félix Labisse : « le Surréalisme, c’est de la couillonnade »

Robert Desnos, Écrits sur les peintres

2011 (première édition en 1984), éd. Flammarion, collection « Champs Art », 286 pages, 9 €, ISBN 978-2-0812-1998-4.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°353 du 23 septembre 2011, avec le titre suivant : Desnos et ses amis peintres

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