À côté des librairies de musées, de nouveaux lieux consacrés à l’édition dans le domaine de l’art contemporain ont ouvert leurs portes à Paris. Tous les rayonnages sont les bienvenus pour accéder à une production qui reste le parent pauvre des librairies généralistes.
La question de l’existence de librairies spécialisées dans l’art contemporain commence par un casse-tête : mais où trouver cet ouvrage indispensable ? Car, en dehors des circuits spécialisés, la création contemporaine reste le parent pauvre de la grande distribution. “Il est vrai que l’on ne nous attend pas dans le domaine de l’art contemporain, mais nous essayons aussi de le mettre en place”, rectifie Éric Hibelot, responsable du secteur livre d’art à la FNAC. Ce dernier connaît bien le sujet : auparavant responsable du rayon beaux-arts à la FNAC des Halles, il a organisé des signatures avec Fabrice Hybert ou Jean-Michel Othoniel, avec un succès “variable”, et, dans les mois à venir, va lancer des “Opérations talents” visant à mettre en avant un artiste par le biais de livres. “Cela ne concernera toutefois pas l’art contemporain au sens strict ; en fait, la clientèle spécialisée va plutôt dans les librairies spécialisées”, précise Éric Hibelot.
À Paris, La Hune est peut-être l’unique généraliste qui peut aussi faire figure de spécialiste. “C’est une tradition, La Hune était une galerie, rappelle sa directrice, Dominique Cara. Notre clientèle nous demande de rester à la pointe et c’est tout à fait normal, d’autant qu’en France le livre d’art s’est développé ces dix dernières années. Mais nous ne faisons pas de distinction dans les rayons entre art moderne et art contemporain.”
Cette distinction, les galeries, par nécessité, ont été les premières à la faire. “La librairie existe depuis l’ouverture de la galerie, en 1975, rue de Montmorency. La vente de catalogue était alors un instrument de complémentarité et de connaissance indispensable sur les artistes que nous exposions comme Ulrich Rückriem, Gerhard Richter, ou bien, sur un mouvement comme l’arte povera”, se souvient Michel Durand-Dessert. Pendant longtemps, la librairie de la galerie, installée à partir de 1990 rue de Lappe, était un lieu unique. “C’est vrai que nous avons été les premiers et, en cela, nous avons dû inventer nos outils, ajoute le galeriste. Dans le même temps, être des pionniers était plus simple. Le développement des librairies de musées a créé une grande concurrence, sans parler du rôle pris par les distributeurs. Aujourd’hui, notre philosophie est de continuer à voir la librairie comme un complément à la galerie. Les deux sont liées ; la librairie participe à notre image et a un rôle pédagogique.” L’ouverture en septembre 2002 d’une librairie par Yvon Lambert s’inscrit dans un modèle comparable. Entre le “Project Room” et le “Studio”, lieux situés dans l’orbite de la galerie, mais qui accueillent des artistes qu’elle ne représente pas pour autant, l’espace propose des publications sur des artistes “proches” de la galerie. Même son de cloche du côté de la Cosmic Galerie, à Paris, qui a confié un comptoir de vente à la librairie OFR Système (sise rue Beaurepaire, dans le 10e arrondissement), avec au menu une option plus “branchée” intégrant des revues de mode.
Des offres pointues
Mais la véritable nouveauté dans le paysage parisien de ces dernières années est l’ouverture de librairies indépendantes. Connue des bibliophiles depuis 1989, Florence Loewy a acquis avec l’inauguration de sa boutique, en octobre 2000, rue de Thorigny, une nouvelle visibilité. “Malgré cela, je continue de penser que nous nous adressons avant tout à une clientèle de collectionneurs et d’institutionnels”, observe cette dernière. Sa boutique, conçue par l’agence Jacob & MacFarlane, lui offre un espace de galerie et un lieu d’organisation de signatures bienvenu pour une enseigne sans égale dans le domaine des livres d’artistes. “[Des livres d’artistes, c’est-à-dire], si l’on s’en tient à une définition stricte, des œuvres d’art à part entière, précise Florence Loewy. Bien sûr, aujourd’hui, de nombreux ouvrages sont supervisés par les artistes eux-mêmes. Notre sélection n’est pas exhaustive dans le domaine des catalogues, mais nous sommes à la lisière, d’autant que nous cherchons aussi des livres rares ou épuisés. Notre travail nous amène également à faire du conseil, de l’aide pour les collections. En cela, nous sommes peut-être plus proches d’une galerie même si par les livres nous représentons près de 500 artistes.”
Une diffusion qui ne demanderait qu’à être amplifiée
Inauguré en septembre 2002 rue de Penthièvre, le magasin Bookstorming s’inscrit, lui, dans une politique tout autre. Sur deux niveaux, non loin de son aînée Artcurial, la librairie aligne 14 500 références, “des nouveautés, des titres rares et exclusivement de l’art contemporain, depuis 1960 à l’exception de quelques fondamentaux comme Duchamp”, explique son directeur Marc Sautereau. Devant les rayons, force est de constater que, jusque-là, seule la librairie du Musée d’art moderne de la Ville de Paris ou celle du Jeu de paume (lire ci-contre) pouvaient dans le domaine contemporain réserver une offre aussi pointue. Apparu sur Internet, Bookstorming réalise encore la moitié de son chiffre d’affaires par correspondance, et en grande partie avec l’étranger. Mais, pour Marc Sautereau, son développement doit passer par une ouverture plus large de ses points de vente sur des lieux d’art. Le 23 mai, il ouvrira un comptoir de 45 m2 au nouveau centre d’art Triage, situé à Nanterre, et attend avec impatience son installation en janvier 2004 dans le quartier de la Bastille, au sein de la Fondation Antoine-de-Galbert, où la librairie s’étendra sur 80 m2. Marc Sautereau avoue regarder avec ambition le succès de Walter Koenig. Éditeur et propriétaire d’une chaîne de distribution, l’Allemand profite d’une situation de quasi-monopole outre-Rhin. “Il a su s’épanouir sur son marché avec une série de concessions. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas un équivalent, même si c’est à une autre échelle.” D’autant que, pour Marc Sautereau, les ouvrages conçus en France, à l’image des publications de centre d’art, ne demandent qu’à être diffusés davantage. “Les éditions liées à l’art contemporain se sont beaucoup développées ces dernières années, notamment à travers l’activité importante de petits éditeurs indépendants”, estime également Bernard Picasso. Après avoir participé à ce renouvellement via les éditions Images modernes, ce dernier a ouvert en novembre 2002 une librairie rue Louise-Weiss, au milieu des galeries. “Une librairie ici était la fois logique et nécessaire, juge-t-il en habitué. Nous sommes spécialisés dans le domaine de l’art contemporain, mais nous voulons aussi nous ouvrir au quartier et proposons un choix plus ouvert. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les riverains franchissent plus facilement le seuil de la librairie que celui d’une galerie.”
Galerie Liliane et Michel Durand-Dessert, 28 rue de Lappe, 75 011 Paris, tél. 01 48 06 92 23
Galerie Yvon Lambert, 108 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, tél. 01 42 71 09 33
Cosmic Galerie, 76 rue de Turenne, 75003 Paris, tél. 01 42 71 72 73
Librairie Artcurial, 7 rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, tél. 01 42 99 16 16
Librairie Bookstorming, 24 rue de Penthièvre, 75008 Paris, tél. 01 42 25 15 58, www.bookstorming.com
Librairie Florence Loewy, 9 rue de Thorigny, 75003 Paris, tél. 01 44 78 98 75, www.florenceloewy.com
Librairie La Hune, 170 boulevard Saint-Germain, 75006 Paris, tél. 01 45 48 80 99
Librairie Images modernes, 11 rue Louise-Weiss, 75013 Paris, tél. 01 45 70 74 20
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Au rayon contemporain
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Au rayon contemporain