Art, création, fiction

La première est sociologue, auteur du récent Triple Jeu de l’art contemporain. Le second, philosophe, signa notamment le remarquable L’Art de l’âge moderne. Nathalie Heinich et Jean-Marie Schaeffer unissent cette fois compétences et disciplines en un seul et même ouvrage. Non pas sous la forme malcommode de la compilation brute d’articles, ni sous celle du bricolage méthodologique, nivelant la spécificité des outils engagés par deux disciplines en mal d’interrelations et dont la possible articulation souffre bien souvent des complexes de la première et du relatif dédain de la seconde.
Du sociologue ou du philosophe, « qui est capable de “dire le vrai” sur l’humain ». De la sociologie de l’art ou de la philosophie de l’art, lequel est susceptible de saisir l’essence de l’art. Un présupposé refusé et contourné par le tandem qui avance une hypothèse de travail moins factice qu’elle n’en a l’air à première vue. Sur des thèmes ayant trait à l’art, la création et la fiction, quelques articles écrits par l’un sont relus et commentés par l’autre et inversement. Une telle proposition de décloisonnement donne lieu à un dialogue passionnant, engagé entre les deux auteurs autour des frontières de l’art contemporain, de la figure moderne de l’artiste, de l’événement artistique, du témoignage, ou encore de la relation entre fiction et histoire. Par fils ténus, le dialogue donne à réfléchir sur l’art, sur les conditions de sa valeur et sur les dispositifs susceptibles de le penser et d’en discourir. Le principe du frottement entre les deux disciplines soulignant et clarifiant finalement les outils à disposition de chacune d’elles.