Quatre mois après un spectaculaire coup de filet à l’hôtel Drouot portant sur un réseau de vols d’objets d’art par des manutentionnaires de Drouot connus sous le nom de « cols rouges », l’enquête avance doucement mais sûrement.
PARIS - Convoqués le 6 avril par les services de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels), quatre commissionnaires parmi lesquels le brigadier en chef, soupçonnés d’être les organisateurs du trafic, ont été interrogés en leur qualité de codirigeant de l’UCHV (Union des commissionnaires de l’hôtel des ventes). Ils sont en charge de la discipline au sein de cette société en nom collectif qui regroupe cent dix transporteurs individuels. Au terme de quatre-vingt-seize heures passées en garde à vue, les quatre « cols rouges » auraient avoué avoir participé par le passé à des opérations de vols en groupe.
La fouille de leur box dans les entrepôts des commissionnaires à Bagnolet (Seine-Saint-Denis) n’a pas donné lieu à de nouvelles découvertes. Mais la confirmation de l’existence d’un système bien établi de chapardages d’objets par de nombreux « cols rouges », lors d’enlèvements après inventaire, pourrait conduire prochainement à la mise en examen de l’UCHV en tant que personne morale. Le temple des enchères parisien serait alors totalement privé des services des « cols rouges » qui assurent depuis des lustres et dans une situation de quasi-monopole le transport des objets, leur entreposage et leur présentation en salle durant l’exposition et la vente publique.
Le scandale du trafic à Drouot a éclaté début décembre 2009, avec la mise en examen de huit commissionnaires et d’un commissaire-priseur, pour association de malfaiteurs, vol et recel en bande organisée (lire le JdA no 315, 11 décembre 2009, p. 3). Annoncées dans un communiqué du 23 décembre par Georges Delettrez, le président de Drouot Holding, des « mesures fortes » interdisant aux commissionnaires tout acte de commerce au sein de l’hôtel des ventes (achats, ventes et prises d’ordres d’achat) n’ont jamais été complètement suivies de faits : certains commissaires-priseurs continueraient à prendre les enchères des commissionnaires. Et c’est bien là le problème. Parallèlement, une poignée de commissaires-priseurs tentent via une réforme interne de reprendre les choses en main (lire le JdA no 318, 22 janvier 2010, p. 36).
La commission MAM
L’affaire des « cols rouges » a fortement irrité la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie (MAM). La réforme engagée sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, dont une proposition de loi a été adoptée le 28 octobre 2009 par le Sénat, a été suspendue. Le texte a été sorti de l’agenda parlementaire jusqu’à nouvel ordre. Les enjeux pour les professionnels des enchères portent sur des points du projet de loi tels que les ventes de gré à gré, qui font déjà débat dans l’Hexagone, ou encore le statut du commissaire-priseur judiciaire. Les commissaires-priseurs craignent aussi aujourd’hui un renforcement des pouvoirs du Conseil des ventes volontaires.
En attendant, MAM a confié, début février, une mission sur les ventes aux enchères à trois personnalités : Nathalie Casas, conseiller référendaire à la Cour des comptes ; Catherine Chadelat, conseiller d’État, et Jean-François de Canchy, inspecteur général de l’administration des affaires culturelles.
La mission avait pour objectif de « vérifier si le cadre légal et économique dans lequel se déroulent les ventes aux enchères réalisées par les sociétés de vente volontaires et les commissaires-priseurs judiciaires permet d’assurer à l’ensemble des acteurs, notamment aux particuliers, un haut niveau de transparence et de sécurité ». Ces personnalités, dont le rapport a été rendu le 16 avril au garde des Sceaux, ont auditionné de nombreuses personnes, pour la plupart d’entre elles des professionnels du marché de l’art, principalement sur la question de Drouot et de sa réorganisation. Leur rapport n’a pas été rendu public à ce jour.
L’instruction sur le trafic à Drouot suit son cours, avec à la clé « d’autres surprises », selon une source proche de l’enquête. Quelques commissaires-priseurs de Drouot pourraient en effet, être dans le collimateur de la Justice d’ici à la fin de l’année.
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Vols à Drouot : l’enquête progresse
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Vols à Drouot : l’enquête progresse