La Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC) a réalisé un impressionnant saut qualitatif. Le rythme commercial a été toutefois moins frénétique que l’an dernier.
PARIS - Ceux qui avaient suivi les vicissitudes de la Foire Internationale d’Art Contemporain (FIAC) ces cinq dernières années n’en croyaient pas leurs yeux. Le dernier cru, organisé du 18 au 22 octobre, fut beau, élégant, aéré, bref l’inverse de la médiocrité de mise sur Frieze. Même les galeries new-yorkaises comme Zwirner et Marianne Boesky, dont les stands londoniens laissaient à désirer, avaient opté pour une sobriété de bon aloi dans notre capitale. La qualité pointait dans tous les coins de la verrière du Grand Palais, avec le pavillon puissant de Michel François chez Carlier Gebauer (Berlin), les Non-Lieux de Dubuffet chez Jeanne Bucher (Paris), le monumental Tinguely de 1986, UnsichtBar, réservé par une institution suisse chez Hans Mayer (Düsseldorf), le superbe Hantai tout en pliures outremer chez Natalie Seroussi (Paris) ou encore les Segal de Marwan Hoss (Paris). Seule une note de branchitude troublait l’harmonie ambiante : les tableaux répétitifs de Josh Smith, vendus en une matinée par Luhring Augustine (New York) et Catherine Bastide (Bruxelles). À croire que les collectionneurs français et belges, qui ont foncé tête baissée sur cette signature déclinée à l’infini, n’ont jamais regardé Marcel Broodthaers ou Gavin Turk...
Bonification de la Cour Carrée
Plus inégal, le niveau de la Cour Carrée du Louvre s’est toutefois bonifié par rapport à l’an dernier. Il y avait matière à s’attarder sur l’appropriation du poème de Mallarmé, Un coup de dé jamais n’abolira le hasard, par Marine Hugonnier chez Nogueras Blanchard (Barcelone) et Max Wigram (Londres). Ou à se perdre dans les paysages mentaux de Zoë Mendelson chez Schleicher Lange (Paris). En revanche, certaines galeries étrangères réputées pour leurs goûts pointus, comme Johann König (Berlin) ou Zero (Milan), se sont contentées d’un service minimum décevant. De manière assez inexplicable, les liens entre les deux emplacements de la FIAC semblaient plus distendus. « La Cour Carrée commence à ressembler à une foire autonome et non pas un élément de la plus grande foire », remarquait Lisa Carlson de la galerie Max Wigram (Londres). Le rythme commercial distinguait aussi les deux sites. « Au Grand Palais, tout s’est fait le premier jour, observait Fabienne Leclerc (Paris), présente simultanément sur les deux espaces. À la Cour Carrée, c’est plus lent. Les gens regardent, posent de questions sur le travail, reviennent. »
La FIAC n’a d’ailleurs pas joui du même élan commercial que l’an dernier. Non que les affaires fussent mauvaises, loin s’en faut. Certains Parisiens comme Jérôme de Noirmont, Daniel Templon ou Georges-Philippe et Nathalie Vallois ont même « cartonné ». Contrairement à l’an dernier, François Pinault ne fut guère visible dans les travées du Grand Palais. Il n’en a pas moins acquis via ses conseillers une toile de Lee Ufan chez Nächst St. Stephan (Vienne) et une série de vingt et un tableaux datant de 1991 de Daniel Buren chez Kamel Mennour (Paris). Le collectionneur Guillaume Houzé a jeté son dévolu sur Brume de Saâdane Afif chez Michel Rein (Paris) et une peinture de Marlène Moquet chez Alain Gutharc (Paris). De leur côté, les Guerlain ont complété leur collection de dessins avec une feuille de Tatiana Trouvé chez Emmanuel Perrotin (Paris), et deux magnifiques aquarelles de Vidya Gastaldon chez Art : Concept (Paris). Anne de Villepoix (Paris) a pour sa part cédé à Jean Albou une édition du Skyline de Kader Attia. Globalement, les collectionneurs français furent actifs, mais plus prudents qu’en 2006. Les quelques visiteurs américains montés en épingle, comme les Rubell, de retour à la FIAC après 15 ans d’absence, ou Martin Margulies et Hubert Newman n’ont guère laissé de traces dans les tiroirs-caisses des marchands. Faute de visiteurs internationaux, pour certains réfrénés par la grève des transports, le bilan des galeries étrangères semblait mitigé. Si Paula Cooper (New York) et Simon Lee (Londres) étaient très satisfaits de leur participation, d’autres comme Marianne Boesky évoquaient plus de contacts que de ventes. « La foire a répondu à toutes nos attentes, s’est félicité Adam Sheffer, de la galerie Cheim & Read (New York). Nous avons sourcé beaucoup d’œuvres de Joan Mitchell et rencontré des gens qui lui étaient proches. Les ventes sont nécessaires, mais on ne peut pas mettre un prix sur le type d’informations que nous avons récoltées. » Les enseignes étrangères se plaignent généralement du faible intérêt des institutionnels français à leur égard. « Ce n’est pas glorieux. Nous pensions faire davantage de contacts, mais nous n’avons vu que deux directeurs de musée, regrettait Denis Gardarin, directeur associé de la galerie Sean Kelley (New York). On s’attendait à un renouveau par rapport à l’idée reçue sur les Français. Étonnamment, dans un autre cadre, ils sont capables de prendre une décision très vite, ici non. » « C’était intéressant pour moi de voir si la France était en train de se réinventer, renchérissait Renaud Proch, de la galerie The Project (New York). De l’étranger, on nous a vendu vos élections présidentielles comme une rupture. J’espère que c’est le cas, mais je ne suis pas convaincu. On veut toutefois continuer à participer, voir comment la FIAC grandit. » Il faudra encore du temps avant que les étrangers apprivoisent le marché français. Et réciproquement.
À regarder la liste des quarante-deux achats effectués pour un montant de 400 000 euros par la commission d’achat du Fonds National d’Art Contemporain (FNAC) sur la FIAC, un mot vient à l’esprit : le saupoudrage. Comme si l’État avait voulu faire plaisir à tout le monde en achetant surtout des petites choses du calibre plus des collectionneurs privés, que d’une institution. Et pourtant cette édition de la FIAC offrait de nombreuses pièces de qualité musée comme l’installation de Michel François ou le grand arbre baptisé Je vous aime tous de Vincent Olinet chez Laurent Godin (Paris). Hormis quelques choix courageux, comme l’installation de Danh Vo chez Isabella Bortolozzi (Berlin), l’éparpillement du FNAC va à rebours de la politique sélective du fonds Outset pour la Tate. « Le FNAC n’est pas un musée, mais un fonds. Les achats sont presque homothétiques d’une époque où il y a une multiplication artistique », défend le délégué aux arts plastiques Olivier Kaeppelin. Un membre de la commission observe aussi qu’il « est plus facile d’acheter une pièce importante dans une commission normale, lorsqu’on sait ce qui existe déjà dans le fonds. On peut argumenter plus longuement. Dans le cadre de la FIAC, il est impensable de faire des achats à 75 000 euros ». Les galeries ont d’ailleurs souvent consenti des ristournes de 10 à 20 %, jusqu’à 50 % dans un cas. En revanche, Frédéric Giroux (Paris) n’a pas négocié le prix du séduisant Coco de Vincent Beaurin. Kamel Mennour a, lui, cédé la vidéo King Kong Addition de Camille Henrot à son prix initial, tout en offrant gracieusement cinq photos de l’artiste. Le parti pris, certes louable, de privilégier les galeries hexagonales n’était peut-être pas stratégique l’année où il aurait fallu séduire les galeries étrangères. « Les institutions françaises peuvent acheter à tout moment auprès des enseignes françaises et là, ils avaient la possibilité de le faire auprès d’autres galeries », regrettait Renaud Proch de la galerie The Project (New York). « Nous n’avons donné aucune consigne, objecte Chantal Cuzin-Berche, directrice du Centre National des Arts Plastiques (CNAP). On a juste évoqué le manque d’œuvres pour les ministères et les ambassades. » D’où peut-être l’accent porté sur les dessins et les peintures.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Une FIAC métamorphosée
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €L’optimisation de la FIAC a contaminé par capillarité certaines foires off. Encore fourre-tout, la qualité de Show Off s’est sensiblement améliorée avec l’arrivée notamment de la galerie Art Attitude Hervé Bize (Nancy). Nonobstant une ambiance bon enfant, ce nivellement par le haut a été moins notable sur Slick. Hormis trois ou quatre enseignes sortant du lot, comme Schirman-de Beaucé (Paris) et leurs photos de Yann Delacour, l’esprit général tenait plus du bidouillage d’étudiants en première année de Beaux-Arts. Les Élysées de l’Art a, quant à lui, fait son entrée dans la galaxie des foires alternatives avec un niveau proche de celui d’Art Paris voilà dix ans. L’entrée consternante, plombée par un régiment de galeries médiocres, avait de quoi refroidir les amateurs d’art. Et leur donner l’envie pressante de rebrousser chemin. Seules six à sept galeries sortaient du lot, comme Véronique Smagghe (Paris), Christophe Gaillard (Paris) et son dessin préparatoire de Christo pour l’empaquetage de la Kunsthalle de Berne ou Borzo (Amsterdam) et son accrochage du groupe Zéro. Calquées sur le rythme de la FIAC, les transactions sur Show Off furent soutenues, surtout pour les galeries françaises, mais sans fièvre. Les bonnes galeries allemandes comme Herrmann & Wagner (Berlin) ou Ulrich Fiedler (Cologne) sont même rentrées bredouilles. « Les curateurs français préféraient visiter les galeries françaises », grinçait Thomas Taubert de la galerie Fiedler. Malgré un volant d’affaires moindre, le salon a réussi à doubler son chiffre d’affaires de l’an dernier, grâce à des prix plus soutenus. Un constat observé tout autant sur Slick. « J’ai vendu une pièce à 8 000 euros, alors que je ne vendais l’an dernier qu’à 1 000 ou 2 000 euros. Les gens en ont ras le bol du ”?foutage de gueule”? et on ne peut pas les attraper avec n’importe quoi », observait Cécile Griesmar, de la galerie Griesmar & Tamer (Paris). Face au foisonnement peut-être excessif d’événements alternatifs, certains murmuraient un éventuel rapprochement entre Slick et Show Off. « Il me semble qu’il y a de la place pour tout le monde, affirme Magda Danysz, co-organisatrice de Show Off. Nous ne voulons pas agrandir la foire, mais garder le même nombre d’exposants en augmentant la qualité. On voudrait aussi que Show Off devienne autre chose qu’un salon, un réseau pour agir au mieux des lieux et des opportunités. »
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°268 du 2 novembre 2007, avec le titre suivant : Une FIAC métamorphosée