En dix jours de vente d’art impressionniste, moderne et contemporain, Christie’s et Sotheby’s New York ont encaissé moins qu’espéré. Des garanties trop élevées et une offre pléthorique ont freiné les acheteurs.
Rarement autant de ventes s’étaient succédé en automne à New York : quatorze vacations ont ainsi été organisées par Christie’s, Sotheby’s et Phillips en dix jours. Le volume d’affaires global de ces trois maisons se monte à 2,36 milliards de dollars (2,21 milliards d’euros), un montant supérieur à l’an dernier, mais loin des 2,7 milliards de dollars obtenus en mai.
Le total récolté chez Phillips, 77,4 millions de dollars pour deux ventes d’art contemporain, reste anecdotique, preuve que le fossé entre les deux géants anglo-saxons et les autres acteurs reste béant. Sotheby’s fait cette fois légèrement mieux que sa consœur avec 1,15 milliard de dollars (1,07 milliard d’euros) de volume d’affaires global, le meilleur chiffre de son histoire. Mais ce n’est que grâce aux 420 millions d’euros récoltés par la collection d’A. Alfred Taubman et ainsi, avec un volume de lots très important. Christie’s cumule 1,1 milliard de dollars (1,03 milliard d’euros), bien loin de ses dernières sessions. Il faut par ailleurs noter que pour la première fois depuis cinq ans, le total cumulé de Sotheby’s et Christie’s pour l’art impressionniste et moderne (1,16 milliard de dollars) dépasse celui de l’art contemporain (1,08 milliard de dollars), avec un volume d’œuvres certes supérieur. Christie’s a changé de stratégie : elle a bousculé le traditionnel calendrier pour présenter la même semaine l’art impressionniste, moderne et contemporain et comme en mai, a proposé une vente thématique, The Artist’s muse, couvrant l’ensemble du XXe. La vacation a obtenu le plus haut montant de la saison, 491,4 millions de dollars, mais elle compte 30 % d’invendus et reste bien en deçà des 705,8 millions de dollars obtenus par Looking forward to the past en mai. Quelles sont les incidences de ces changements ? « Cela nous permet d’attirer des clients vendeurs à qui nous proposons un projet prestigieux et spécifique. Côté acheteurs, cela favorise les achats interdisciplinaires », répond Laetitia Bauduin, directrice pour l’art contemporain chez Christie’s Paris. « Ces ventes “curated” cadrent les acheteurs. Elles devraient continuer à se développer, les clients sont lassés du mainstream », professe Laurence Dreyfus, art advisor.
Globalement, malgré quelques envolées, les résultats sont contrastés, souvent meilleurs pour les ventes du jour. Lors des ventes du soir, les taux d’invendus ont augmenté et de nombreux lots manquent leur estimation. C’est que les maisons ont trop poussé ces estimations et présenté trop de lots, de qualité inégale. À propos de la vente Taubman, l’art advisor Thomas Seydoux confie : « Il aurait fallu être plus raisonnable, donner envie aux clients et laisser le marché décider. » Laetitia Bauduin explique : « Les attentes de nos clients vendeurs sont importantes, ils lisent la presse, voient que le marché est fort. Nous avions en effet des estimations un peu fortes. Nous allons devoir être plus vigilants sur ce point. » Cette session pourrait encore marquer une étape pour les garanties et réductions de frais accordées aux vendeurs qui amputent la rentabilité des ventes. Ce système risqué a ainsi rendu Christie’s propriétaire de quatre lots millionnaires après The artist’s muse. D’après Laurence Dreyfus, un virage se dessine. « Beaucoup de garanties sont aujourd’hui refusées, le processus est amorcé. Auparavant les maisons avaient cinq ou six clients intéressés par les lots, désormais les acheteurs privés ou marchands se positionnent soient dans la salle soit à la dernière minute », décrit-elle. Nul besoin de tirer des conclusions alarmantes de cette séquence. Si le marché se montre plus sélectif, c’est l’indice de sa maturité, et d’acheteurs mieux informés, qui, devant toujours plus de choix, sont moins enclins à suivre les estimations folles des maisons ou à enchérir sur les lots de moindre qualité. « Dans les mois à venir, les maisons vont être plus prudentes sur les estimations, le potentiel des objets et leur qualité », prédit Thomas Seydoux.
SOTHEBY’S, les 4 et 5 novembrecollection A. Taubman
Total : 420 M $
Lire JdA du 13 novembre 2015
SOTHEBY’S, le 5 novembre, art impressionniste et moderne, vente du soir
Estimation : 276 à 369 M $ / 258,8 à 346 M €
Total : 306,7 M $ / 287,60 M €
Nombre de lots vendus : 36 sur 47
Taux de vente : 76,6 %
SOTHEBY’S, le 6 novembre,art impressionniste et moderne, vente du soir
Estimation : 48,4 à 70,5 M $ / 45,3 à 66 M €
Total : 53,3 M $ / 49,90 M €
CHRISTIE’S, le 9 novembre,the artist’s muse, a curated evening sale
Estimation : 440 M $ / 412 M €
Total : 491,3 M $ / 460,70 M €
Nombre de lots vendus : 24 sur 34
Taux de vente : 71 %
Total œuvres impressionnistes et modernes : 342,3 M $ (321 M €) ; 20 sur 25
Total œuvres d’art contemporain : 133,8 M $ (125,40 M €) ; 11 sur 13
CHRISTIE’s, le 10 novembre, art de l’après-guerre et art contemporain, vente du soir
Estimation : Plus de 350 M $
Total : 331,8 M $ / 312 M €
Nombre de lots vendus : 53 sur 66
Taux de vente : 80 %
SOTHEBY’S, le 11 novembre, art contemporain, vente du soir
Estimation : Plus de 260 M $
Total : 294,8 M $/ 272 M €
Nombre de lots vendus : 46 sur 57
Taux de vente : 81,5 %
CHRISTIE’S, le 12 novembre, art impressionniste, et moderne, vente du soir
Estimation : 118 M $ / 110,60 M €
Total : 145,5 M $ / 136,4 M €
Nombre de lots vendus : 49 sur 59
Taux de vente : 83 %
CHRISTIE’S, le 13 novembre, art impressionniste et moderne, vente du jour
Total : 33 M $ / 30,9 M €
CHRISTIE’S, le 13 novembre, art impressionniste et moderne, œuvres sur papier
Total : 19,4 M $ / 18,20 M €
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Une décade moins frénétique que prévu
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Une décade moins frénétique que prévu