Un Botticelli dope les enchères

New York. Le 29 janvier, Sotheby’s organisait sa grande vente du soir de peinture ancienne – Christie’s organise la sienne plus tard dans l’année depuis 2016. La vente, dirigée depuis Londres par le commissaire-priseur star de la maison, Olivier Baker, se déroulait simultanément, par écrans interposés, dans la capitale anglaise, à New York et en Asie. Une mise en scène spectaculaire, couronnée par un produit de ventes de 114,5 millions de dollars frais compris [94,3 M€], récolté en trente et un lots. Certes, c’est près du double du résultat de l’an passé, mais la vente record à 92,2 millions de dollars [76,3 M€] d’un tableau de Sandro Botticelli – sans doute acquis par un collectionneur russe – est venue gonfler ce chiffre.

C’est une excellente nouvelle qui montre que les vendeurs ne sont pas tous frileux dans un contexte de pandémie. Avec ce prix, Portrait d’un jeune homme tenant un médaillon (1485, voir ill.) a pulvérisé le précédent record du maître italien qui avait à peine dépassé la barre des 10 millions de dollars avec la Madone Rockefeller, en 2013 [85 M€]. Il s’agit également du tableau ancien le plus chèrement adjugé par Sotheby’s, mais aussi le portrait le plus cher jamais vendu aux enchères. Cependant, il n’a pas dépassé son estimation de départ fixée à 80 millions d’euros sans les frais puisque son prix au marteau n’est pas allé au-delà. Quoiqu’il en soit, le vendeur – le magnat de l’immobilier new-yorkais Sheldon Solow – a fait une bonne plus-value, lui qui avait acheté l’œuvre en 1982 chez Christie’s Londres pour 1,3 million de dollars [soit 36 M€ en tenant compte de l’inflation]. « Ce tableau était extraordinaire et son prix tout à fait justifié », a commenté l’expert en tableaux anciens, Nicolas Joly.

Le reste de la vacation a été marqué par quelques fortes déceptions. En effet, l’autre œuvre phare de la session, Abraham et les Anges, de Rembrandt, estimée 20 à 30 millions de dollars, a été retirée quelques minutes avant la vente, sans doute faute d’enchères face à une estimation trop élevée. Le même sort a été réservé à un Ecce Homo, de Guido Reni (est. 1,2-1,8 M$), tandis qu’une nature morte de Willem Claesz Heda est restée sur le carreau (est. 2,5 à 3,5 M$). Du côté des réussites, un Portrait de jeune femme par Frans Pourbus, daté de 1576 et adjugé 478 800 dollars (394 000 €) est venu, avec le portrait de Botticelli, confirmer une tendance : « Il y a toujours un goût marqué pour les œuvres de la Renaissance », a observé Nicolas Joly. De même, « l’intérêt pour la peinture hollandaise – les natures mortes et bouquets de fleurs – refait surface après une période de tassement ». Ainsi, une nature morte d’Ambrosius Bosschaert le Vieux, de 1621, s’est vendue 2,3 millions de dollars [1,9 M€], tout comme le bouquet de fleurs par Rachel Ruysch, de 1698, cédé 2,2 millions de dollars [1,8 M€], l’un et l’autre au-dessus de leurs estimations.

« Dans l’ensemble, la vente a bien fonctionné – hormis les lots retirés – démontrant que le marché se tient malgré la crise sanitaire. C’est aussi une vente qui a été très rentable pour Sotheby’s grâce au Botticelli qui lui a permis d’empocher au moins 12 millions de dollars [9,9 M€] de commission avec les frais acheteur », a noté l’expert, avant d’ajouter : « Il est intéressant de constater que malgré la débauche de technologie, les enchères restent traditionnelles car, excepté une enchère en ligne, les autres ont toutes eu lieu par téléphone. »