MAASTRICHT / PAYS-BAS
Les marchands ont presque tous retrouvé le sourire à Maastricht après une édition 2017 plus contrastée, grâce à un vernissage sélect, des visiteurs plus enclins à la dépense et des musées très acheteurs.
Maastricht. Tefaf (The European Fine Art Fair) de Maastricht, la plus grande foire d’art et d’antiquités au monde, forte de ses 274 exposants, qui a refermé ses portes le 18 mars est décidément indétrônable. La mise en place d’un vernissage en deux temps, plébiscité tant par les exposants que les visiteurs, y a contribué, avec 5 000 personnes conviées la première journée, puis 7 000 la deuxième. « Cela nous a permis de discuter tranquillement le premier jour, sans être dérangés et de conclure rapidement nos premières ventes », a expliqué Christophe de Quénetain (Paris). Ensuite, la qualité est indéniablement montée d’un cran cette année, les marchands ayant fait des efforts pour apporter des découvertes ou bien des pièces audacieuses. Enfin, les visiteurs n’étaient pas dans le même état d’esprit que l’an dernier. « Trump venait d’arriver au pouvoir, il y avait l’incertitude des élections françaises… Ce sont des paramètres subtils qui traînent dans la tête des gens, qui n’apprécient alors pas sereinement les objets et sont moins disposés à l’achat », analysait Alexis Kugel (galerie Kugel, Paris). La baisse de fréquentation – 68 000 visiteurs contre 71 000 en 2017 – ne s’est donc pas fait ressentir. « La sélection plus drastique des visiteurs en est le résultat, ce qui a permis de rassembler un public plus acheteur », a commenté Bruno Desmarest (galerie Aaron, Paris, New York, Londres), avant d’ajouter que « les Américains étaient vraiment de retour, ce que nous n’avions pas vu depuis dix ans ». Par ailleurs, les musées sont venus en force. Selon les organisateurs, la foire a accueilli 100 nouveaux musées en plus des quelques autres qui venaient déjà assister à l’événement.
Du côté de la peinture ancienne, la section historique de la foire, les achats ont été nombreux. « Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu une si bonne année », a observé Giovanni Sarti. Les œuvres caravagesques se sont particulièrement distinguées. L’enseigne londonienne Colnaghi a cédé plusieurs pièces dans cette veine, comme Saint Jean-Baptiste, vers 1613, de Valentin de Boulogne (prix affiché 3,80 M€) ou Apollon et Marsyas, de Lucas Giordano. Autre œuvre de cette école qui a rapidement été acquise par un collectionneur américain, Marie-Madeleine, de Francesco Boneri dit Cecco del Caravaggio montrée sur le stand que se partageaient Carlo Orsi et Trinity Fine Arts (autour de 2 M€). L’un des plus beaux tableaux de cette édition était sans conteste le Saint-Étienne, de Bernardo Cavallino (1616-1656) exposé par la galerie Giacometti (Rome). Acheté par un autre marchand pour un important collectionneur privé américain, il aurait pu être vendu plusieurs fois. Quant à l’œuvre de Hyacinthe Rigaud, Portrait du sculpteur Martin Desjardins, vers 1686, auteur de la statue pédestre de Louis XIV place des Victoires à Paris fondue sous la Révolution (650 000 €), elle est réservée par un musée américain (galerie Aaron).
L’autre section importante de la foire, les antiquités classiques, a également rencontré un franc succès. La galerie Kugel s’est illustrée en vendant une horloge astronomique en ivoire, Augsburg (1637-1639), passée par la collection Bulgari et dont le travail de sculpture – inouï – a tout de suite séduit un collectionneur privé, damant le pion à un musée (plusieurs millions d’euros). « C’est un des plus beaux objets que nous n’ayons jamais eu », a souligné Alexis Kugel, confiant par ailleurs qu’il s’agissait de la meilleure édition depuis un certain nombre d’années. La galerie a également vendu à un collectionneur européen un coffret en cristal de roche, Venise, vers 1595, cadeau papal offert à l’occasion de la naissance du premier enfant d’un souverain. Benjamin Proust (Londres) a cédé au Rijksmuseum pour 700 000 euros un rare modèle en cire de Bartolomeo Ammanati représentant le Génie des Médicis, une œuvre préparatoire pour un bronze conservé à Florence au Palais Pitti. « Que cette pièce, en cire, soit parvenue jusqu’à nous dans cet état est une prouesse », a commenté l’heureux vendeur. Tomasso Brothers (Londres) a vendu dès l’ouverture une paire de marbres monumentaux, l’un représentant un lion attaquant un cheval, l’autre un lion attaquant un taureau, vers 1700 par Foggini (prix affiché : autour de 1,75 M€). De son côté, Christophe de Quénetain a vendu à plusieurs musées, notamment au Metropolitan de New York six assiettes et deux plats par Siro Antonio Africa, Pavie, vers 1700 ; tandis que le Parisien Xavier Eeckhout a vendu dix-huit sculptures sur vingt-huit, dont une Otarie, une pièce unique de 1937, de François Martinez en granit noir.
La foire a également été profitable pour le secteur archéologie : The Merrin gallery, Kevorkian, Safani, Chenel ont tous confirmé de nombreuses ventes, tout comme la galerie Cybèle qui a vu un portrait du Fayoum, Égypte, IIe siècle apr. J.-C. qui avait accompagné l’exposition « Le mythe de Cléopâtre » à Paris en 2014 à la Pinacothèque, emporté par un nouveau client anglais (moins de 200 000 €).
Tefaf Moderne a accueilli quelques belles ventes. La galerie new-yorkaise Hammer a notamment fait parler d’elle en vendant à un nouveau client Lilas, 1887, de Van Gogh affiché autour de 7,5 millions d’euros tandis que la galerie M&L (Londres) s’est délestée de Natura Morta, 1951, de Giorgio Morandi (prix demandé : 1 M€). La galerie Hopkins (Paris) était en pourparlers avec plusieurs musées concernant trois œuvres Nabis, dont Femmes au jardin, 1891, de Vuillard. Quant à Patrick Derom (Bruxelles), il a fait un carton avec un solo show de Pol Bury, cédant près d’une vingtaine d’œuvres sur trente-quatre pour des prix allant de 20 000 à 200 000 euros.
Pour le design, la foire a été plus calme. « Cette section ne draine pas assez de monde », relevait Stéphane Danant (galerie Demisch Danant, New York) qui a malgré tout bien vendu, dont une grande bibliothèque de 1958 d’André Denou et Jean-Pierre Génisset en bois de palmier, médaille d’or à l’Exposition universelle de Bruxelles de 1958 (134 000 €). « Il y avait un peu de monde, car dans l’esprit des gens, c’est avant tout une foire d’antiquaires », a corroboré Thomas Fritsh (Paris), nouveau venu tout de même ravi d’avoir été sélectionné.
Constat identique pour l’art tribal, même si les marchands ont tiré leur épingle du jeu. Anthony Meyer a révélé avoir « renoué avec son chiffre d’affaires d’il y a cinq ou six ans » ; Bernard Dulon s’est séparé de sa pièce phare, un appui-nuque lega en ivoire à la double provenance Louis Carré et Charles Ratton et Charles-Wesley Hourdé (Paris) a effectué une bonne entrée en matière dans la section Tefaf Showcase, en écoulant six pièces dont une figure Uli, Nouvelle-Irlande, restée jusqu’en 1974 au musée de Brême (autour d’1 M€).
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Tefaf Maastricht au mieux de sa forme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°498 du 30 mars 2018, avec le titre suivant : Tefaf Maastricht au mieux de sa forme