Pour la neuvième exposition de l’artiste dans la galerie, Michèle Aittouarès rassemble de nombreuses œuvres, souvent inédites, certaines ayant été exposées au Grand Palais en 1976.
PARIS - Voilà l’exemple même des belles histoires qu’engendre quelquefois le métier de marchand. Pour fêter les 30 ans de la création de la galerie, Michèle et Odile (sa fille) Aittouarès décident en effet de présenter une exposition de Pierre Tal-Coat. Selon leurs propres dires « ce choix s’est imposé comme une évidence. Nous l’avions jusqu’alors déjà montré huit fois depuis 1986 et il est associé à l’histoire de la galerie », même si elles n’ont jamais travaillé directement avec lui puisqu’il est mort en 1985 (il était né en 1905).
Pour ce neuvième opus, elles prennent comme point de départ un tableau majeur qu’elles ont pu acquérir, Failles dans les rochers (de 1950) qui a notamment été présenté lors de la rétrospective consacrée à l’artiste au Grand Palais en 1976. Autour de lui, elles parviennent à rassembler quarante-cinq œuvres. Et puis, heureux coup de théâtre, deux jours avant le vernissage, un ami leur présente la veuve d’un important collectionneur de Tal-Coat qui leur propose quinze œuvres, parmi lesquelles un autre tableau très important La Durance, qui figurait également dans l’exposition du Grand Palais. Au final, l’ensemble composé de soixante pièces, datées de 1927 à 1984 et réparties sur les deux espaces de la galerie a des allures de mini-rétrospective. Il offre l’opportunité de voir toutes les techniques utilisées par l’artiste – aquarelle, dessin au crayon, lavis à l’encre de chine et au brou de noix, huile sur toile, peinture sur bois – et toutes les périodes. À commencer par un petit dessin de 1927, évoquant deux personnages et un cheval, et une étonnante petite (18 x 14,5 cm) huile sur carton, La femme au chapeau, qui, comme toutes les œuvres issues de la collection privée précitée, n’a pas été vue depuis près de quarante ans.
Fusion du spirituel et de la nature
D’un mur à l’autre, on découvre la récurrence des autoportraits (dans lesquels Tal-πCoat ne se fait pas de cadeau) qui traversent toute son œuvre, son passage de la figuration à une forme d’abstraction, après la guerre, au tournant des années 1950, une période où il est installé à Aix-en-Provence, depuis dix ans, et où il rencontre le poète André Dubouchet, le philosophe Henri Maldiney et Samuel Beckett. Tal-Coat y évoque et transcende la nature, bien plus qu’il ne la figure, au travers des thèmes de la transhumance, de la trace, aussi bien les pas d’animaux que les ronds de sorcière. L’artiste marchait beaucoup et il lui arrivait régulièrement de dessiner en route, à l’exemple ici de six dessins ayant appartenu à Georges Clouzot. Sont également présentées quelques-unes de ses dernières œuvres (de 1975 à 1985) réalisées à l’huile sur des couvercles de boîtes de cigares, très épaisses, résultat d’une multitude de couches, dont on peut voir la mémoire des différentes strates sur la tranche. Tal Coat pouvait mettre plusieurs années à les peindre, les laissant sécher à la verticale dans son atelier, comme le rappellent ici une photo de Michel Dieuzaide et un film tout au long duquel Tal-Coat sifflote en permanence. Il disait d’ailleurs qu’il travaillait sur des tableaux qui ne se finissent jamais, qui n’ont pas pour objectif d’être terminés. Un travail sur le temps et la sédimentation à l’opposé de la formidable fulgurance de ses aquarelles.
Le prix des œuvres lui aussi fait le grand écart, qui va de 2 000 euros pour un petit dessin à 90 000 pour un grand tableau. Une somme conséquente, mais elle correspond au fait qu’il y a dix ans, un incendie s’est déclaré dans l’atelier (resté en l’état) de l’artiste en Normandie, près de Vernon et a réveillé les esprits. Ainsi en 2010, le département du Morbihan a fondé le Centre Pierre Tal-Coat, au Domaine de Kerguéhennec qui, sous la houlette d’Olivier Delavallade, consacre plusieurs salles à l’exposition permanente d’œuvres, tandis que le petit-fils de l’artiste, Xavier Demolon, a lancé un catalogue raisonné.
Nombre d’œuvres : 60
Prix : entre 2 000 et 90 000 €
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Tal-Coat, une force de la nature
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Abonnez-vous dès 1 €L’ALCHIMISTE, jusqu’au 19 mars, Galerie Berthet-Aittouarès, 14 et 29, rue de Seine, 75006 Paris, tél.01 43 26 53 09, mardi-samedi 11h-13h, 14h30-19h.
150 DESSINS, jusqu’au 29 mai, Hôtel de Limur, rue Thiers, 56000 Vannes tél. 02 97 01 63 00
Légende photo
Pierre Tal-Coat, La Durance, 1955-1956, huile sur toile, 85 x 146 cm. Courtesy Galerie Berthet-Aittouarès, Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : Tal-Coat, une force de la nature