Art ancien

PEINTURE ANCIENNE

Succès pour les Femmes peintres chez Sotheby’s

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 13 février 2019 - 520 mots

NEW YORK / ETATS-UNIS

New York. Pour la première fois, Sotheby’s avait inséré dans sa vente du soir de peinture ancienne une section intitulée « The Female Triumphant » [« La femme triomphant »] consacrée aux œuvres de femmes peintres du XVIe au XIXe siècle.

Bien lui en a pris puisqu’elle a pu récolter 52,7 millions de dollars [46,1 M€], un résultat dans la fourchette de l’estimation et proche de celui de l’an passé (54,6 M$).

Pourquoi ce focus ? « Notre société a pris conscience du déséquilibre hommes-femmes ces derniers temps et je pense que le monde de l’art relaie cela. Des collectionneurs privés et des institutions ont d’ailleurs cherché à acquérir davantage d’œuvres d’artistes féminines », a expliqué Calvine Harvey, spécialiste chez Sotheby’s New York. En parallèle, les rétrospectives récentes sur Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Artemisia Gentileschi et Michelina Wautier ont suscité un vif intérêt.

Le 31 janvier, les 11 lots qui composaient ce volet ont été adjugés 12,6 millions de dollars frais compris, soit 10,7 millions au marteau, un chiffre en dessous de l’estimation haute. Une grande partie de ce total est dû à l’œuvre la plus chère vendue : le Portrait de Mohammed Dervish Khan, par Élisabeth Vigée le Brun, adjugé 7,2 millions de dollars [voir ill.], un record mondial non seulement pour l’artiste – qui n’avait pas dépassé 1,5 million de dollars (Portrait d’artiste, octobre 2017, Christie’s New York) –, mais aussi pour une femme peintre de l’époque prémoderne.

Trois autres records mondiaux ont été enregistrés, en particulier pour une nature morte de Fede Galizia (1578-1630) cédée à 2,4 millions de dollars et pour le Portrait de trois enfants d’Angelika Kauffmann parti à 915 000 dollars. Deux lots estimés 60 000 à 80 000 dollars n’ont pas trouvé preneur : Étude d’un jeune garçon par Michaelina Wautier et Portrait de Madame Genlis, par Marie-Victoire Lemoine.

Un marché étroit

Bien que cinq des neuf lots vendus aient obtenu un prix au marteau dans les limites de l’estimation – signe en général de prétentions trop gourmandes – les 12,6 millions de dollars récoltés et à la clé quatre records mondiaux témoignent de l’intérêt des collectionneurs. Ces résultats montrent aussi à quel point le marché des artistes féminines est étroit. « En 2018, nous avons vendu plus de 1 100 tableaux de maîtres anciens masculins dans le monde contre seulement 14 féminins. Il est vrai qu’il y avait beaucoup moins de femmes artistes à l’époque prémoderne en raison des obstacles qu’elles rencontraient pour exercer leur art », a souligné Calvine Harvey. En effet, il leur était interdit de rejoindre guildes et académies, de suivre des cours de dessin ou de travailler avec des hommes artistes qui n’étaient pas de leur entourage. Aussi, celles qui non seulement possédaient le talent artistique, mais qui ont réussi aussi à surmonter ces contraintes sont rares. Par ailleurs, elles n’ont pas acquis la renommée qu’elles méritaient.

Que l’initiative ne soit qu’une énième stratégie de la maison de ventes pour s’attirer de nouveaux clients ou pas, la démarche aura au moins eu le mérite de mettre un coup de projecteur sur ces femmes qui ont bravé leur époque et sont restées dans l’ombre trop longtemps.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°517 du 15 février 2019, avec le titre suivant : Succès pour les Femmes peintres chez Sotheby’s

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