Figure marquante de l'Art déco, ce céramiste a connu le succès de son vivant, avant d’être un temps éclipsé. Il voit aujourd’hui sa cote remonter.
L'année 2023 a été riche pour René Buthaud (1886-1986), artiste polyvalent, mais surtout connu pour ses céramiques. Une exposition lui a été consacrée au musée des beaux-arts Antoine Lécuyer à Saint-Quentin (Aisne), tandis qu’un ouvrage lui était dédié – Réne Buthaud, céramiste Art déco (éd. Norma). Né à Saintes, en Charente-Maritime, il s’oriente vers une carrière de peintre et graveur après des études aux Beaux-arts de Bordeaux puis de Paris, une formation classique où il a acquis les fondamentaux du dessin.
Mais le premier conflit mondial éclate et, démobilisé pour raison de santé, il s’essaie à la céramique. En 1918, il décide de s’y consacrer pleinement, exposant notamment au Salon des artistes décorateurs, en 1920, ou au Salon d’automne, où il va rapidement rencontrer le succès. De 1923 à 1926, il est le conseiller technique de la faïencerie Primavera en Touraine, avant de retourner à Bordeaux, sa ville d’adoption. À partir de 1928, il est diffusé par la galerie Rouard à Paris, jusqu’à sa fermeture en 1966, tandis que le prix Florence Blumenthal qu’il a obtenu l’année de sa création, en 1920, lui ouvre les portes du marché outre-Atlantique. Plus tard, dans les années 1940, la galerie américaine Salmicouri diffusera ses créations, qu’il signera « Doris ».Céramiste perfectionniste – il est à la fois modeleur, graveur, décorateur – Buthaud est aussi chimiste : il maitrise parfaitement les méthodes de cuisson et d’émail qui font de lui un technicien et coloriste hors pair. Son répertoire est vaste (figures d’athlètes ou de naïades, fleurs stylisées en corbeilles, décors géométriques…) et ses inspirations, infinies : Grèce antique, Perse, Chine, art africain, iconographie populaire, Renaissance italienne, statuettes anglaises de Staffordshire ou poterie artisanale de Samadet. Toute sa carrière a été guidée par sa curiosité illimitée pour la gravure et les arts anciens. Ainsi, il réalisera plus de mille pièces, presque toutes signées car, pour la plupart, uniques : des vases ovoïdes et des coupes, des statuettes, des fixés sous verre mais aussi des œuvres monumentales comme les quatre vases réalisés pour la pharmacie Bousquet à Bordeaux.Ses œuvres sont conservées dans de nombreuses collections privées et publiques (Madd-Bordeaux, Musée d’Art moderne de Paris, Victoria and Albert Museum, Met de New York…), confirmant ainsi sa renommée.
Artiste protéiforme, René Buthaud se lance, des années 1930 jusqu’aux années 1950, dans la réalisation de fixés sous verre. Cette technique, qui consiste à exécuter le travail de peinture au dos d’une plaque de verre remporte un franc succès, avec de nombreuses commandes à la clé. C’est le cas de cette pièce unique à la gloire du vignoble, réalisée pour la famille de son ami le peintre Raphaël Delorme, et composée de six plaques de verre lisse épaisses de cinq millimètres. Difficulté supplémentaire, l’artiste y a adjoint la technique de l’églomisé (application de métaux précieux).
environ 25 000 €
Pour ses premières pièces, Buthaud employait la terre de Canéjan, à forte teneur argileuse, qui lui permettait une très haute cuisson allant de 950 °C à 1250 °C, sans pour autant devenir du grès. Mais à partir de 1936, ne pouvant plus importer de Pologne le charbon nécessaire à la cuisson de grand feu, il utilise une argile claire d’une très grande plasticité, riche en fer et facilement modelable. C’est à peu près à la même époque que, peut-être à la recherche de formes plus libres, il abandonne progressivement sa production de vases pour se consacrer aux statuettes à émail stannifère, jusqu’au milieu des années 1960.
18 000 à 20 000 €
René Buthaud a réalisé de nombreux vases à décor de femmes au visage allongé et aux traits simplifiés, ici, à la manière de Modigliani . « Artiste accompli, nul mieux que lui sait adapter son dessin au galbe d’une coupe ou d’un vase, car le motif s’intègre à la forme que l’artiste a choisie », écrit Emmanuel Bréon, conservateur en chef du patrimoine. Dans ce vase, à l’inspiration japonisante – une pièce unique – plusieurs techniques viennent se superposer : celle de la céramique émaillée, craquelée, gravée et cirée.
Adjugé à 27 454 € chez Sotheby’s New York, le 07/12/1996
Alors qu'il est directeur technique de Primavera entre 1923 et 1926 à la manufacture de Sainte-Radegonde, René Buthaud met au point la technique d’émail craquelé – un accident de surface au moment du refroidissement – qui va devenir l’une de ses signatures. « Il maîtrisait cette technique à la perfection et était capable de réaliser la craquelure en dégradé », souligne France Cruège de Forceville. De nombreuses pièces reprennent ce procédé, à l’instar de ce vase, qui représente un tireur à l’arc – une image « porte-bonheur » puisque c’est avec ce sujet qu’il remporte le 2e Grand prix de Rome de gravure, en 1914.
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René Buthaud, le maître du feu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : René Buthaud, le maître du feu