Lors d’une conférence organisée par ses soins au British Museum, l’avocate de Dmitri Rybolovlev, Tetiana Bersheda, a appelé à la régulation des ventes d’œuvres d’art.
Londres. Depuis plus d’un an, Tetiana Bersheda, 33 ans, partage sa vie entre Monaco et Londres. Elle loue un appartement dans la capitale britannique, y prend des cours d’art et y a même organisé le 7 octobre une conférence dans une salle du British Museum intitulée : « La bataille pour le marché de l’art : comment protéger les investisseurs d’aujourd’hui dans l’art ? » Le calendrier de cet événement n’était pas forcément le plus approprié pour cette avocate suisse d’origine ukrainienne. Entre sa programmation cet été et son déroulement, son domicile monégasque a effet été perquisitionné par la police de la principauté. Une nouvelle étape de la procédure judiciaire qui oppose son principal client, le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev, et le marchand d’art suisse Yves Bouvier. Ce dernier aurait empoché un milliard de dollars de commission sur l’achat de trente-sept œuvres par son « ami » russe.
En guise d’introduction à sa conférence, coorganisée avec un professeur de la Harvard Business School, Tetiana Bersheda invoque la nécessité de règlementer le marché de l’art, « la troisième industrie la plus utilisée pour le blanchiment d’argent, après la drogue et les armes ». Plus tard, elle précise ses propos au Journal des Arts et met notamment en avant « l’évolution de la nature des infractions dans le monde de l’art ». « Traditionnellement, on pense au vol d’œuvres et à la création de faux, avance-t-elle. Aujourd’hui, celles-ci concernent plus le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. L’art n’est plus l’objet de l’infraction, mais l’outil pour commettre des infractions, dont les effets sur la société sont bien plus graves. » Alors que l’adversaire de Dmitri Rybolovlev dirige les ports francs de Singapour et Luxembourg (après avoir cédé celui de Genève il y a quelques jours), elle pointe du doigt le rôle de ces entrepôts. « C’est peut-être une coïncidence, toujours est-il que les ports francs se sont développés dans les années 2008-2009, au moment même où de nouvelles réglementations ont été déployées dans le système financier, que les autorités ont serré les vis, que la Suisse a par exemple signé un accord avec les États-Unis sur les comptes non déclarés. Conséquence immédiate ? L’argent a dû quitter le secteur bancaire et se chercher un nouveau point de chute. »
Un domaine non règlementé
Tetiana Bersheda revient ensuite à sa croisade actuelle : « D’un point de vue de la réglementation, le marché de l’art, c’est le far west ! Les conflits d’intérêts et les délits d’initiés ne sont pas du tout réglementés, même si les droits des contrats et le droit général s’appliquent. » L’avocate, qui s’est créé un imposant réseau dans le secteur, estime « qu’à partir du moment où l’art est un investissement, une certaine transparence serait bénéficiaire. Notamment sur la structuration des transactions : quels intermédiaires agissent ? Dans quel rôle ? Comment s’assure-t-on qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts ? » On sent bien là remonter à la surface la problématique de l’affaire dans laquelle elle est impliquée depuis déjà bientôt trois années.
Elle assure, et sur ce point des galeristes comme Thaddaeus Ropac se sont déclarés en accord avec elle, que « la transparence ne vise pas à nuire au marché de l’art, où la confidentialité doit exister et est légitime, notamment pour les collectionneurs qui veulent protéger ces actifs matériels ou qui ne veulent pas avoir leur nom dans les médias. Au contraire, une transparence mesurée apporterait de la confiance dans le marché et augmenterait le nombre des transactions, notamment de la part des petits investisseurs, qui ne peuvent pas du tout se protéger. » Et même les gros. Un Dmitri Rybolovlev aurait ainsi peut-être économisé un milliard de dollars et de sérieux ennuis judiciaires.
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Quand l’avocate de Rybolovlev devient conférencière
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Abonnez-vous dès 1 €Tetiana Bersheda, l’avocate de Dmitri Rybolovlev © Photo Frank Mentha
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Quand l’avocate de Rybolovlev devient conférencière