PARIS
La fermeture administrative pour cause de Covid-19 n’exonère pas la galerie de payer son loyer.
La fermeture obligatoire des locaux commerciaux lors du premier confinement ne constitue pas une exception d’inexécution justifiant du non-paiement des loyers pour cette période. Par un jugement du 25 février 2021 doublé d’un communiqué de presse de son président, le tribunal judiciaire de Paris a profité d’un litige portant sur le renouvellement d’un bail commercial opposant une antiquaire du quartier de Saint Germain à son bailleur, pour se prononcer sur l’exigibilité des loyers commerciaux pendant la période de confinement. Plus précisément, elle sollicitait la restitution des loyers versés au bailleur (1 212,96 €) pour la période du 15 mars au 11 mai 2020 du fait de la fermeture obligatoire de son local commercial, en se fondant sur l’exception d’inexécution de son obligation de délivrance des locaux. Selon l’article 1219 du Code civil, en effet, l’exception d’inexécution permet à une partie de refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
En l’espèce, la galerie n’avait pas pu accueillir sa clientèle dans les locaux loués et avait dû fermer pendant 57 jours à cause de la fermeture imposée aux commerces non essentiels pour faire face à l’épidémie de Covid-19, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Cette fermeture l’avait donc empêchée de jouir des locaux donnés à bail et d’exploiter son activité commerciale, constituant un manquement du bailleur à son obligation essentielle visée à l’article 1719 du code précité, de délivrer les locaux et d’en assurer une jouissance paisible. Inexécution suffisamment grave, selon elle, pour caractériser une exception d’inexécution et demander la restitution des loyers versés.
Coté bailleur en revanche, les loyers restaient dus car aucun manquement ne pouvait lui être imputé. D’une part, le bail contenait une clause de renonciation à recours en responsabilité à son encontre en cas de troubles portés à la jouissance du preneur par le fait d’un tiers ; mais surtout aucun défaut de délivrance ne pouvait lui être opposé puisque le preneur avait toujours eu la jouissance des lieux, ne serait-ce que par la possession des clefs, la possibilité d’y stocker son matériel et ses marchandises ou de s’y rendre pour travailler.
À tout le moins, il considérait qu’en cas de manquement caractérisé, la fermeture des locaux ne résultait pas de son fait mais d’une décision de l’autorité publique, obstacle insurmontable à l’exécution de son obligation de délivrance et de jouissance paisible, constitutive sur le plan civil d’un cas de force majeur l’exonérant de son obligation.
Mettant un terme aux débats, le tribunal judiciaire de Paris a tranché en faveur du bailleur en retenant en application de l’article 1719 que même si ce dernier « est obligé [...] de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant toute la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d’exercer l’activité prévue par le bail et d’en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée […], cet article n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité. »
Aussi constatant que l’antiquaire ne discutait pas le fait que son local lui permettait d’exercer l’activité prévue au bail, et que le bailleur n’était pas garant du trouble de jouissance résultant de la fermeture administrative de son commerce exigée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre l’épidémie de Covid-19, le tribunal a rejeté sa demande en restitution des loyers versés.
Ce jugement constitue une double peine pour les galeries qui restent tenues de payer leurs loyers alors qu’elles sont toujours dans l’impossibilité de recevoir du public comme l’a rappelé dernièrement le juge des référés du Conseil d’État en les déboutant de leur recours en référé-liberté visant à obtenir leur réouverture pour distorsion de concurrence avec les maisons de ventes.
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Pour la justice, la galerie doit payer son loyer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°566 du 30 avril 2021, avec le titre suivant : Pour la justice, la galerie doit payer son loyer