On dit qu’une galerie commence et s’achève avec son fondateur. La galerie Nelson poursuivra-
t-elle ses activités malgré la disparition de Philip Nelson ?
Personne n’attend que la galerie Nelson reste la même, c’est impossible. Même si Philip et moi étions amis depuis quinze ans et partagions les mêmes croyances, nos choix ont pu être différents. Philip aurait préféré qu’on ferme la galerie si elle devait rester la même qu’avant sa disparition, car elle n’aurait pas été vivante. Bien avant sa maladie, il songeait à faire évoluer sa structure. L’année où il est tombé malade, nous avons décidé de devenir partenaires. Je détiens maintenant les parts qu’avait Philip dans la galerie, le reste étant aux mains de son ancien actionnaire. Cécile Barrault, qui reste directrice de la galerie, en possède aussi des parts.
Vous êtes plutôt un marchand de second marché alors que Philip Nelson était un galeriste de premier marché. La galerie évoluera-t-elle vers une dimension plus historique ?
La galerie Nelson a toujours été une maison pour les artistes et tous ceux que Philip a représentés font partie de cet engagement. Il n’a jamais supprimé un créateur de sa liste. Depuis le décès de Philip, tous les artistes sont restés, sauf Stéphane Calais, car cela lui était difficile émotionnellement. Mais quand une galerie mûrit, il est naturel qu’elle intègre davantage de créateurs d’une génération antérieure qui raffermissent son programme. La galerie Nelson va rester une galerie de premier marché, mais intégrer peu à peu des artistes d’autres générations que l’on n’a pas vus à Paris. Mel Bochner, par exemple, n’a pas été montré depuis au moins dix ans ici. Pourtant, son travail a défini des concepts que de jeunes artistes continuent à manier. Michael Heizer a inventé le land art, mais n’a jamais été présenté à Paris. On continuera aussi à avoir de jeunes artistes. Il s’agit de trouver une évolution qui fasse sens pour tout le monde. Ce n’est pas un programme de marché, mais une croyance dans l’art. Le rythme est, du coup, plus lent.
Quel regard l’Américain que vous êtes porte sur la France et le mode de fonctionnement des galeries parisiennes ?
Il existe très peu de villes d’art vraiment internationales. Paris et Londres me semblent en haut de la liste. Le potentiel à Paris me semble encore plus grand. Ce qui m’excite dans le fait de continuer la galerie de Philip, c’est que l’histoire, ici, est très présente ; en même temps, on ne montre pas assez en France tout le spectre international. Il y a une tradition à New York, celle des expositions de qualité musée organisées en galerie. J’ai fait à New York trois expositions qui seraient fantastiques chez Nelson, comme les sculptures des années 1967-1968 de Richard Serra, celles de 1961 en plâtre de Claes Oldenburg, ou encore les petites peintures d’Ellsworth Kelly de 1955-1965. J’aimerais essayer de refaire ici de telles choses une fois tous les deux ans.
Vous êtes spécialisé dans le pop art et l’art minimal. Les écarts de prix entre ces deux mouvements peuvent-ils se réduire ?
En termes d’accomplissement artistique, les deux mouvements se valent. Mais question marché, le pop art reste plus cher car il traite de l’imagerie. C’est plus simple et certains n’hésitent pas à mettre 18 millions de dollars [14,3 millions d’euros] pour un Warhol ou 30 millions pour un Rauschenberg. En revanche, un Donald Judd remarquable vaut au maximum 5 millions de dollars. Le prix d’une œuvre d’art dépend de la valeur qu’une société donne à l’idée qui sous-tend l’œuvre. Le marché donne aujourd’hui une prime à l’image ou à la beauté, au détriment de l’austère et du minimal.
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Peter Freeman, galerie Nelson, Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°245 du 20 octobre 2006, avec le titre suivant : Peter Freeman, galerie Nelson, Paris