Voulant oublier les attentats de 2015, le changement de gouvernance et l’abandon de la bouture californienne, l’édition 2016 se présente sous de meilleurs auspices.
Denis Roche aurait été loin d’imaginer qu’un de ses autoportraits avec son épouse serait un jour le visuel de l’affiche de Paris Photo. Encore moins Catherine Dérioz de la galerie lyonnaise Le Réverbère qui le représente depuis le début et célèbre cette année ses trente-cinq ans d’existence. Ni l’un ni l’autre n’appartient à la catégorie des auteurs ou des enseignes du top 100 des meilleures ventes, ni des plus recherchés ou courtisés durant la foire. Et ils n’ont jamais cherché à l’être, question de personnalité, de philosophie et de positionnement. C’est pourtant cette image que les organisateurs de Paris Photo ont choisie pour évoquer la photographie, les émotions, les questionnements et les usages qu’elle provoque. Il n’y a pas de meilleure manière de célébrer le vingtième anniversaire du salon créé à Paris par Rik Gadella, en 1997, qu’avec un photographe (disparu l’an dernier) et sa galerie, tous deux français, et comptant parmi les plus estimés pour son œuvre photographique, poétique et littéraire.
Paris, capitale de la photo
La mise à l’honneur d’institutions parisiennes ou régionales phares n’est pas étrangère à cette célébration. « Elles s’inscrivent effectivement dans cette célébration », reconnaît Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo. Sous les feux de la rampe on trouve en premier lieu le Centre Pompidou ; plus précisément le département photo du Musée national d’art moderne invité à présenter un choix d’une centaine d’œuvres parmi les dix dernières années d’acquisition menées sous la direction de Quentin Bajac, puis de Clément Chéroux. Les collections du Musée Nicéphore Niépce sont de leur côté présentées via une installation numérique dite immersive, avec laquelle chacun peut composer à partir de la banque d’images du Musée de Chalon-sur-Saône un poème visuel sur les murs de l’espace qui leur sont réservés. Les interventions dans le cadre du forum de conversations, dit Plateforme, mettent, elles, en lumière d’autres acteurs de tout premier plan de la scène photo nationale, tels Diane Dufour, directrice du Bal, ou Pascal Beausse, responsable de la collection de photographies du Centre national des arts plastiques.
Une sélection de choix pour une édition qui bat son record en nombre d’exposants (183 avec 153 galeries, 30 éditeurs, 30 pays représentés) et qui confirme sa place de foire internationale de photo de référence sans équivalent dans le monde.
Un engouement rapide
Se reporter d’ailleurs à la liste des 51 exposants de la première cuvée (dont 47 galeries en provenance de 10 pays) et à leurs propositions montre que Paris Photo, dès ses débuts, portait les germes du succès. Ceci malgré les incertitudes qui planaient sur le succès d’une telle foire face à un marché essentiellement concentré aux États-Unis, notamment à New York, où se déroulait depuis des années l’AIPAD (The association of international photography art dealers), l’unique foire alors de référence pour la photo avec celle de Cologne.
Dès 1997, soutenu par le marchand américain Harry Lunn qui a entraîné avec lui les galeries étrangères, le salon a mobilisé de grands noms de la scène photographique internationale : l’Américain Edwynn Houk, les Anglais Hamiltons et Eric Franck, que l’on retrouve aujourd’hui sous la verrière du Grand Palais avec les galeries françaises Les filles du Calvaire, Alain Gutharc, la galerie du Jour Agnès b., Polaris, Thaddaeus Ropac, Esther Woerdehoff et Vu… 24 enseignes françaises sur 47 participants, soit 51 % de la première édition. Une proportion en baisse aujourd’hui (33 %) et à considérer depuis la montée en puissance progressive des galeries généralistes et le rachat en 2002 à Rik Gadella de Paris Photo par Reed Expositions France. Le déménagement du Carrousel du Louvre au Grand Palais n’a fait que consacrer le succès d’une manifestation indétrônable dans son domaine. Un prestige renforcé par celui du lieu associé à Fiac, couplé à l’arrivée de grands ténors de l’art contemporain et à la soirée J. P. Morgan organisée le mardi soir à la veille de l’ouverture de Paris Photo.
Annus horribilis
L’édition 2016 s’inscrit dans ce sillage avec toutefois l’ombre des attentats de 2015 et le départ inattendu de Daniel Compain, directeur général du pôle Culture, Loisirs et Tourisme de Reed Expositions France. La fermeture de la 19e édition, deux jours avant sa fermeture, après les attentats du 13 novembre, n’a épargné ni la foire ni les galeristes et les éditeurs qui y participaient. L’image de son organisateur Reed Expositions, lent à réagir sur la question de l’indemnisation, en a été égratignée. Les mois qui ont suivi n’ont pas été davantage des plus sereins pour Florence Bourgeois et Christophe Wiesner, directeur artistique de Paris Photo, confrontés tous deux coup sur coup à la décision de Reed d’arrêter en février 2016 Paris Photo Los Angeles à quelques semaines de sa quatrième édition, puis au départ peu après de Daniel Compain après ses échecs successifs d’internationalisation de la foire et de la Fiac. Ce départ représente tout un symbole dans l’histoire du salon, puisque c’est Daniel Compain qui avait officié à l’achat de Paris Photo par le groupe en 2002 et reconduit, puis recruté, ses directeurs successifs : Valérie Fougeirol, Guillaume Piens, Julien Frydman et le duo Florence Bourgeois-Christoph Wiesner. Son départ clôt une époque, une manière de « manager » aussi. C’est Michel Vilair, directeur général de Reed Exposition qui désormais est l’interlocuteur direct de Florence Bourgeois et de Christoph Wiesner.
Rien n’en transparaît dans cette nouvelle édition. Si la sélection de la plupart des galeries incombe comme d’habitude à un jury, Paris Photo 2016 reflète à nouveau la complicité entre les deux compères et la griffe de son directeur artistique, particulièrement au fait de ce qui se passe sur la scène de la création. Les galeries américaines (29 contre 28 en 2015) n’ont pas déserté la foire, pas plus que celles venues d’Allemagne (22) et d’Angleterre (13). Les rangs des éditeurs au nombre de trente s’étoffent. Le départ d’Armani qui n’a pas renouvelé son contrat s’explique selon les organisateurs de Paris par son « souhait de se recentrer sur les projets mis en place pour l’anniversaire de la marque ». Quant à l’association de Paris Photo avec la SNCF à propos de l’exposition à la Gare du Nord de Raphaël Dallapota à partir de son travail sur la grotte Chauvet et ses environs, elle est inédite pour les deux parties, mais constitue une belle opération de communication.
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Paris Photo 2016 veut tourner la page
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Abonnez-vous dès 1 €10 au 13 novembre 2016, Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, 12h-20h, 19h le dimanche, entrée 30 €. Publication spéciale « Paris Photo, 1997-2016. Parcours », coédition Paris Photo-Xavier Barral, 360 p., 35 €.
Légendes Photos :
Affiche de Paris Photo 2016
Paris Photo à quelques heures du vernissage, 9 novembre 2016 © Photo T.David pour LeJournaldesArts.fr
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Paris Photo 2016 veut tourner la page