PARIS
Grâce aux outils informatiques, l’artiste a pu redonner vie à ses peintures géométriques réalisées dans les années 1970. À voir chez Ceysson & Bénétière.
Paris. Pour marquer son entrée à la galerie Ceysson & Bénétière (Paris, New York, Luxembourg, Saint-Étienne) et annoncer un cycle de futures expositions, Orlan a décidé de commencer par ses débuts. C’est-à-dire à partir des œuvres conçues entre 1971 et 1974, intitulées « Problématiques géométriques », qu’elle a réalisées à Saint-Étienne où elle vivait alors (elle y est née en 1947) et où elle avait d’ailleurs rencontré Bernard Ceysson, alors directeur du Musée d’art et d’industrie. C’était à l’époque « ORLAN avant ORLAN », comme l’indique le titre de l’exposition, lui-même tiré d’une fausse affiche de cinéma qu’elle avait fait réaliser par un spécialiste de ce type de peinture et sur laquelle on peut lire, tel le titre d’un film : « ORLAN AVANT SAINTE-ORLAN ». Prêtée par le Frac (Fonds régional d’art contemporain) Normandie, cette grande acrylique sur toile (290 x 200 cm) est présente sur l’un des murs de la galerie.
Tout autour, les sérigraphies, les collages photocopies et surtout les peintures glycérophtaliques sur bois mélaminé sont à plusieurs points de vue surprenantes. D’une part ces dernières n’ont été exposées qu’une seule fois, lors de leur création à la Maison de la culture de Saint-Étienne. D’autre part elles montrent des compositions géométriques (présentant pour certaines un côté Jean Dewasne) insoupçonnables et inattendues de la part d’Orlan. Enfin, leur parfaite brillance, leur impeccable et improbable état pour des œuvres de près de 50 ans réalisées avec cette technique donnent l’impression qu’elles ont été réalisées hier. Ce qui est effectivement le cas puisque Orlan, par manque de moyens pour les stocker, en avait à l’époque détruit certaines tandis que les autres s’étaient détériorées. Mais elle en avait conservé des photos. Elle a pu les réactiver grâce aux outils numériques d’aujourd’hui et leur donner un rendu techniquement impossible au début des années 1970. « Lorsque j’ai retrouvé leur trace dans mon atelier, j’ai eu très envie de les réactualiser parce que ce sont des œuvres très importantes pour moi qui correspondent à un moment-clef où j’ai fait beaucoup de peinture, aussi bien lyrique que géométrique. Mais je ne voulais surtout pas peindre au pinceau. Je les avais donc faites au pistolet chez un garagiste », précise-t-elle. On découvre ici une face cachée, au sens propre et figuré, de l’artiste. Car si ces formes géométriques méticuleusement pensées et ordonnancées dans une relative froideur semblent à première vue aux antipodes de ses préoccupations ultérieures, elles laissent déjà apparaître, telle une esquisse, les formes ici d’un visage, là d’un corps. En effet la composition des lignes, cercles, triangles dessine quelquefois une tête ou des contours anthropomorphes dans lesquels on devine presque (ou dans lesquels on a envie de voir, peut-être) l’allure d’Orlan.
Dans un autre registre, l’aspect extrêmement lisse et brillant de ces peintures industrielles de carrosserie automobile reflète le corps du spectateur qui s’intègre dans l’œuvre. Ce principe est poussé encore plus loin dans la Peinture contre chaîne et casserole [voir ill.] dans laquelle une petite porte s’ouvre sur deux miroirs qui nous renvoient une double image. À propos de ce tableau évoquant un damier jaune et bleu à l’image d’un carrelage de cuisine, ce que confirme une vraie casserole rouge à pois blancs accrochée dessus, Orlan rappelle qu’« il avait déjà une force féministe importante. Il posait la question : peindre ou être dans la cuisine ? avec comme réponse possible : peindre la cuisine ».
Proposée à 75 000 euros, cette œuvre est la plus chère de l’exposition. Les sérigraphies, elles, sont à 4 000 euros, soit une fourchette raisonnable pour une artiste de cette importance, historique, présente sur la scène internationale et dans de nombreuses collections. « Beaucoup d’artistes vendent plus cher que moi. Et si je me compare à des artistes hommes, mes prix sont inférieurs », dit-elle. On ne saurait la contredire.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
ORLAN inédite
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : ORLAN inédite