Les ventes new-yorkaises du mois de mai furent euphoriques.
Christie’s ouvrait la ronde avec cinq pièces du MoMA le 4 mai, vendues, parfois au ras de l’estimation basse, pour 12 millions de dollars. Ce fut le cas pour Il Grande Metafisico de Giorgio De Chirico, cédé pour plus de 7 millions de dollars. La cote en progression constante et aberrante de Tamara de Lempicka atteignait son apothéose avec un Portrait de Madame Bush adjugé 4,5 millions de dollars.
Cette vacation faisait figure d’amuse-bouche à côté du déchaînement remarqué les deux jours suivants chez Sotheby’s. Les ventes d’art impressionniste et moderne de la maison américaine ont généré 314,8 millions de dollars, le double d’une année faste comme 2000. Le très attendu Garçon à la pipe de Picasso issu de la Greentree Foundation a pesé lourd dans la balance le 5 mai. Avec 104,1 millions de dollars, il représentait le tiers du produit de ces ventes. Dépassant le record précédent de 75 millions de dollars établi par le Portrait du docteur Gachet par Van Gogh à la veille d’une crise retentissante, ce nouveau prix met la barre très haut.
Il est indéniable qu’à ce niveau, l’argent, qui n’est pas celui d’un grand musée américain, ne peut qu’être abstrait, sinon douteux. L’acheteur se retranchant dans son anonymat, les rumeurs vont bon train. Les noms des grands nababs américains, que ce soit Bill Gates, Henry Kravis ou Samy Ofer, ont été chuchotés, de même que celui de Tom Ford, parti d’Yves Saint Laurent avec une jolie cagnotte. Une piste semble poindre : l’achat aurait été fait de notre côté de l’Atlantique.
Le 6 mai, la vente de plusieurs collections, notamment celle de Ray Starck, offrait des prix plus « raisonnables » du moins plus raisonnés. Le Bassin aux Nymphéas de Claude Monet se vendait pour 16,8 millions de dollars. Après de telles prouesses, le contemporain n’a pas fait pâle figure.
Christie’s a totalisé le 11 mai plus de 102 millions de dollars et enregistré neuf records. Même si les ventes du soir sont habituellement tirées au cordeau au point que les organisateurs savent d’avance qui va acheter et pour quel montant, cette vente-là faisait figure d’événement. Une fois n’est pas coutume, le contemporain a doublé le produit de la vente moderne, signe d’un déplacement progressif des acheteurs sur la seconde moitié du XXe siècle. La maison avait pourtant pris le risque d’estimations « agressives », largement dépassées pour la plupart.
Le lendemain, Sotheby’s totalisait 65,6 millions de dollars et 100 % de vendus. Elle décrochait quelques enchères retentissantes comme les 2,08 millions de dollars pour la Ballade de Trotsky de Maurizio Cattelan ou les 5,1 millions de dollars pour le diptyque Step on can with leg de Roy Lichtenstein. Le vendeur du Cattelan, vraisemblablement le magnat de la presse Peter Brant, pouvait être satisfait. Il avait acheté son cheval empaillé pour 560 000 livres en 2001 à Londres. Les rumeurs prêtent l’achat au P.-D.G. de LVMH, Bernard Arnault, un nouvel acteur de taille semble-t-il.
La vente d’art contemporain de Phillips le 13 mai venait clore le bal avec un total de 17,7 millions de livres et dix records. L’ascension de Marlene Dumas semble irréversible. Après avoir atteint 634 700 dollars, le double de son précédent record, chez Christie’s, une autre toile grimpait à 993 600 dollars. Les day sales observaient aussi des prix parfois déroutants, à l’image des 23 900 dollars pour une simple encre de Keith Haring ou des 253 900 dollars pour un dessin de Jean-Michel Basquiat chez Christie’s. En revanche, on note un ralentissement sur Andy Warhol qui commence à se stabiliser. De même, les petites pièces sans intérêt de Takashi Murakami restent invendues.
La photo plasticienne, trop vite enterrée, revient. « Il devient très difficile d’estimer aujourd’hui les œuvres car, d’un mois sur l’autre, les prix peuvent varier. Les œuvres changent d’ailleurs très vite de main et les collectionneurs n’hésitent pas à miser gros sur des artistes très jeunes », observe Caroline Smulders, responsable du département art contemporain de Christie’s à Paris. Sommes-nous à la veille d’une crise ? « Je n’ai pas d’inquiétude pour l’instant car tous les gens qui achètent le font avec leur propre argent et non avec des emprunts », analyse Florence de Botton, responsable du département art contemporain de Sotheby’s à Paris. Mais ce miracle ne tient qu’au fil ténu de l’économie américaine. On regrette que le marché américain se resserre sur ses propres valeurs, et qu’une Vache, la belle muflée de Dubuffet ne se vende qu’à 2,1 millions de dollars, son prix de réserve chez Sotheby’s.
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New York, envolée des ventes en art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°560 du 1 juillet 2004, avec le titre suivant : New York, envolée des ventes en art contemporain