Galerie

gb agency, Paris

Nathalie Boutin et Solène Guillier : « Permettre à l’artiste d’être vu »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2006 - 710 mots

Pourquoi participez-vous cette année à Paris Photo alors que vous n’avez pas l’image d’une galerie de photo contemporaine ?
Cette année, Paris Photo invite les pays scandinaves, or deux des trois artistes que nous souhaitons montrer, Elina Brotherus et Pia Rönicke, sont scandinaves. Nous sommes attachées à confronter aussi deux générations en intégrant Mac Adams. Il y a un côté ludique dans le croisement et le stand sera d’ailleurs articulé par duo. C’est intéressant de montrer que nos artistes peuvent parfaitement être lus et perçus dans un contexte qui n’est habituellement pas le nôtre.

Bien que vous soyez une galerie récente, vous ne succombez pas au jeunisme à tous crins. Vous défendez Robert Breer, vous venez aussi de présenter Jirí Kovanda. Pourquoi ce choix ?
Les jeunes artistes représentent quand même 80 % de notre programmation, mais les 20 % restants sont très visibles. Dès la fin des années 1990, nous nous sommes interrogées sur ce qui était alors montré. Il y avait une approche amnésique des choses qui ne nous correspondait pas. Le discours se vidait de son sens, devenait formel. Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait regarder ailleurs et autrement. La Documenta X en 1997 de Catherine David qui réintégrait Oyvind Fahlström, Marcel Broodthaers ou Hélio Oiticica par exemple nous a questionnées. Nous sommes le produit de cette réflexion. Quand gb agency a ouvert en 2001, les pays de l’Est étaient alors en pleine transition. Grâce à des artistes comme Roman Ondak et Deimantas Narkevicius, nous avons redécouvert une pensée conceptuelle, comme celles de Jirí Kovanda, de Julius Koller.

De votre propre aveu, vous jouez beaucoup sur la lenteur. Comment une galerie peut-elle résister à l’emballement actuel du marché ?
En mûrissant, nous réalisons qu’une galerie est un choix éthique. Peut-être rate-t-on des artistes parce que nous ne sommes pas assez rapides. On s’interdit aussi de choisir un artiste déjà surreprésenté, et, quand nous le représentons, de le charger en pression. Là encore, nous réaffirmons la notion de temps, de juste moment. Ce n’est pas le marché qui doit dominer, mais l’acuité d’une œuvre d’art qui doit générer le marché. On passe du temps à chercher cette troisième voie d’une galerie qui s’auto-suffise, qui permette à l’artiste d’être vu et de vivre tout en respectant nos engagements. Nous essayons d’être autre sans nous exclure. La résistance ne prend de sens que si elle se fait de l’intérieur.

En juin, vous avez exposé pour la première fois dans la section Art Première de la Foire de Bâle. Exposer au cœur du marché relève-t-il de cette résistance intérieure ?
C’est au cœur des choses qu’on peut le faire, et non en périphérie. Nous montrons que nous avons les mêmes engagements que les autres, mais nous agissons différemment. Si nous avions opté pour la périphérie, nous aurions été le laboratoire que peu de gens seraient venus voir. À Bâle, nous avions peur que notre idée soit noyée, mais elle a été bien perçue. Nous avons notamment rencontré des directeurs de musées intéressés par le travail de Robert Breer.

Pensez-vous que la galerie soit la structure la plus appropriée à votre fonctionnement ?
Nous ne voulions pas le terme de galerie, trop générique et qui couvrait des pratiques très différentes. D’où celui d’agency, plus anonyme. C’était une manière de se mettre en retrait. Le bon côté d’une galerie est qu’il permet le lien dans le temps, le suivi avec l’artiste. Il s’agit d’être là à toutes les étapes, au moment où l’artiste développe une pensée, doit la produire et la diffuser. Lorsque nous avons commencé, la galerie était la formule qui nous convenait. C’est pour l’instant toujours le cas, mais nous inventerons sans doute une autre forme. On ne peut pas aimer l’art contemporain sans s’interroger sur la forme qui doit l’accompagner. Nous avons initié par exemple un cycle où nous invitons des commissaires indépendants, pour transformer la galerie en espace de propositions, afin que nos lieu et programmation ne soient pas perçus uniquement comme un espace commercial.

Imaginez-vous aussi une mise en réseau avec d’autres galeries ?
C’est une idée à laquelle nous réfléchissons, davantage avec d’autres structures que des galeries à proprement parler. Nous voudrions tenter des expériences ailleurs, nous délocaliser ponctuellement. C’est en cours de mise en place.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°246 du 3 novembre 2006, avec le titre suivant : Nathalie Boutin et Solène Guillier, gb agency, Paris

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