À 99 ans, Vera Molnár a toujours le mot et le geste assurés, comme le montre l’exposition de collages que lui consacre la galerie Berthet-Aittourès.
Paris. Tous les ans en janvier (le mois où elle est née, en 1924, à Budapest), Vera Molnár se fait son propre cadeau d’anniversaire en réalisant une œuvre qui joue avec les chiffres. Cette année, toujours aussi facétieuse, elle a anticipé la date et, un peu plus de six mois en avance, a conçu un collage pour qu’il puisse figurer dans son exposition et tout au début du catalogue réalisé à cette occasion. Elle l’a intitulé 99 ? Pas encore et il est son premier collage de film adhésif sur aluminium anodisé. La preuve, par quatre-vingt-dix-neuf, qu’il n’y a pas d’âge pour innover – et cela promet pour celui du centenaire. Il est d’autant plus le bienvenu qu’il introduit une sélection d’une cinquantaine d’œuvres entièrement consacrée, de façon inédite, à sa pratique du collage depuis 1956 à aujourd’hui.
L’ensemble est titré « Couper Coller Construire », soit les trois verbes qu’elle a utilisés toute sa vie puisque le collage a toujours été le point de départ de son travail, aussi bien en tant qu’œuvre à part entière (comme on peut le voir ici) que comme matrice pour d’autres réalisations. Trois verbes en C qui rappellent ce qu’elle nous avait confié un jour : « Je suis trois fois con : construite, conceptuelle et “computeur”, avec un m pour le dernier. »« Construite », en référence à la géométrie dont « la rencontre a bouleversé ma vie… J’adore la géométrie. J’adore tout ce qui n’a pas été fait par le bon Dieu et le bon Dieu autant que je sache n’a pas fait de géométrie. On ne voit pas de carrés dans la nature. »« Conceptuelle », tant elle a toujours accordé une place prépondérante à l’idée génératrice. Et « computeur » puisqu’elle a été l’une des premières à travailler avec un ordinateur dès 1968.
Dans l’accrochage de la galerie parisienne, on retrouve toutes les figures qu’elle a utilisées, notamment le carré bien sûr, véritable étalon, et le cercle dont elle nous disait qu’il était une forme très difficile : « J’ai une longue histoire tumultueuse avec le cercle. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, mais je n’ai jamais été capable de le faire correctement. À main levée, cela devenait une patate. » C’était à ses débuts, dans les années 1950. On le retrouve plus tard, à partir des années 1990, avec une forme parfaite, permise par l’utilisation de gommettes ou de l’ordinateur.
La sélection rappelle également toutes les techniques qu’elle a employées et notamment l’utilisation de la photographie, des gommettes précitées, ou le papier déchiré, qui même sous cet angle n’oublie pas la géométrie, comme l’indique le titre d’une œuvre Trame déchirée. En évoquant la montagne Sainte-Victoire, qui avait beaucoup marqué Vera Molnár très jeune, ce collage est un clin d’œil à Paul Cézanne qui, avec Paul Klee et Albrecht Dürer, a toujours fait partie de ses références.
Entre 5 000 et 35 000 euros pour une grande installation murale (150 x 150 cm) composée de neuf collages, les prix sont corrects pour une artiste de son âge et de son importance. Ils s’expliquent par le fait qu’il s’agit ici souvent de petits formats (17 x17 cm, 25 x 25 cm, 40 x 40 cm) et que Vera Molnár s’est pendant longtemps peu souciée de son marché, lui préférant des expositions dans des musées ou institutions.
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Molnár du collage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : Molnár du collage