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Organique

Michel Blazy : bière, pizza, lasagnes

Par Julie Estève · Le Journal des Arts

Le 12 avril 2012 - 684 mots

PARIS

La galerie Art : Concept présente « Débordement domestique », des pizzas et lasagnes extra-larges à la sauce Blazy.

PARIS - L’exposition de Michel Blazy à la galerie parisienne Art : Concept, c’est un peu comme dans le film L’Aile ou la cuisse (1976) de Claude Zidi : on y soulevait déjà, dans les années 1970, la question de la malbouffe industrielle à travers Tricatel, une usine transformant de la pate blanche et molle en poulet rôti appétissant ou des morceaux de plastique vert en épaisses et jolies laitues. « En effet, sourit l’artiste, c’est cette idée de produire des peintures ou des sculptures séduisantes à outrance à la limite de la vulgarité avec les moyens de l’industrie alimentaire. Je pense que la grande distribution et tous les hypermarchés sont dans une fabrication hyperréaliste d’une alimentation alléchante mais sans aucun contenu nutritif. » Cette fois-ci, vous n’aurez donc pas à vous boucher le nez devant les pièces de Michel Blazy car les ingrédients de sa recette ne sont pas voués à un inexorable pourrissement. Pas de Danette au chocolat, pas de concentré de tomates ni de pelures d’oranges, pas de Yop ni de purée de betterave, mais un trop-plein pour tromper l’œil avec des tranches géantes d’ersatz de pizzas plus vraies que nature accrochées aux murs comme des tableaux et des parts d’ogre de fausses lasagnes étalées au sol.

Moelleux à souhait, odorants, saveur fromage fondu, les morceaux démesurés de junk food de Michel Blazy sont réalisés à l’aide de colle à papier peint et colorants alimentaires. « Mais pour garder le pouvoir attractif de ces pizzas, visuel et tactile, pour conserver leur souplesse, pour qu’elles soient, si j’ose dire, au meilleur de leur forme, il faut les apprêter, les recharger en odeur et en humidité », ajoute l’artiste. L’artificiel aussi nécessite des soins et un entretien attentif pour ménager son potentiel de séduction. « On a souvent pensé que je travaillais avec des matériaux organiques et sur la nature, mais ce sont les choses vivantes qui m’intéressent, celles qui échangent, qui communiquent avec leur environnement, chimiquement et physiquement », explique Blazy. Et dans ce paysage de formes à sentir et à toucher, grasses et grossières, images rabelaisiennes du XXIe siècle d’une société digérant ses débordements capitalistes, un monstre d’aluminium disperse ses excroissances et serpente entre les plats. À 18 heures pile, une bière congelée et légèrement décapsulée mousse pendant vingt-cinq minutes. Elle sonne le rituel de l’apéritif et l’avant-soirée télé-pizza. « Je considère pratiquement toutes mes œuvres comme des performances d’objets, de matières ou de formes, précise l’artiste. Et ce qui m’intéresse dans cette exposition, c’est quand l’espace domestique se trouve être débordé par une chose que l’on maîtrise à demi, ou que l’on a mise en route et que l’on n’arrive plus à arrêter. »

Service après-vente
Question vente, les choses se compliquent un peu. Périssables, éphémères, à entretenir ou à réactiver, les œuvres de Michel Blazy sont très souvent incompatibles avec les appartements des acheteurs. « Michel est un artiste incontournable et unique dans sa production, mais évidemment ce type de travail limite le nombre des collectionneurs, note Olivier Antoine, son galeriste depuis plus de quinze ans. Ceux qui achètent sont en général très fidèles et motivés pour faire vivre des pièces qui nécessitent un vrai engagement. C’est comme avoir un animal de compagnie ou une plante, il faut s’en occuper. Michel ne veut pas transmettre une charge mais un objet qui est, en soit, un support de communication. » Le problème du transport et le temps d’installation des œuvres freine aussi sa reconnaissance internationale. « Pour ces raisons, on ne peut malheureusement pas le montrer sur des foires loin de l’Europe », explique Olivier Antoine. Le service après-vente fonctionne quant à lui très bien. « Quand je vends une pièce à une institution ou à un collectionneur, il y a toujours un accompagnement de ma part jusqu’au moment où la personne peut se débrouiller toute seule, affirme Blazy. Il y a une transmission et souvent on refait la pièce ensemble plusieurs fois. » Vous reprendrez bien une part de pizza

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : Michel Blazy : bière, pizza, lasagnes

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