Pourquoi choisir de vous implanter à Londres ?
En 2015, nous avions ouvert une galerie « pop-up » à Londres, qui s’était prolongée sur une année parce que cela avait bien marché. Il y avait eu un engouement indéniable, nous avions trouvé des collectionneurs et depuis, j’avais toujours eu l’envie de revenir, mais je me demandais comment. Ce n’était pas tant une question d’espace que d’enjeu humain, relativement à la personne qui allait être capable de porter notre projet, nos artistes, de les défendre puisque je ne peux pas être partout. Je suis indépendante, il n’y a pas d’investisseurs derrière la galerie, l’équipe n’est pas extensible, donc il fallait bien réfléchir et trouver quelqu’un sur place capable de partager ce projet d’entreprise.
J’ai d’autre part une appétence personnelle pour Londres qui est indéniablement une place importante pour le premier marché. Il y a beaucoup de collectionneurs pour l’art contemporain, pour les artistes émergents. Lorsqu’un collectionneur anglo-saxon achète, il en parle autour de lui. Or Londres a beau être située à un peu plus de deux heures de distance de Paris, il est toujours préférable d’être sur place. Ce sont deux scènes et deux marchés distincts.
Qu’en est-il avec le Brexit ?
Le projet était lancé et se concrétise dans ce contexte. Mais paradoxalement, c’est parce que le Brexit est là que les choses se sont simplifiées pour nous. Il y a cinq ans tout était plus tendu, on ne nous attendait pas, les loyers n’étaient pas négociables. Aujourd’hui c’est différent, les gens sont plus attentifs, plus à l’écoute, la période est plus constructive. Ce sont des moments que j’aime bien et auxquels je suis habituée. Il ne faut pas oublier que j’ai ouvert ma toute première galerie, située rue Keller [Paris-11e], en 1991 en pleine [opération] « Tempête du désert » et en pleine crise majeure du marché de l’art. D’autre part, beaucoup de gens et notamment beaucoup de collectionneurs ont décidé de façon très assumée de ne pas partir. Ils disent que cela va être un moment difficile mais pas forcément long. Il y a donc à la fois une résignation, une désolation et en même temps un bel optimisme. Ils disent qu’ils repartiront de plus belle. Et que pendant cette période ils ne vont pas s’arrêter de vivre.
Quid de votre galerie de Shanghaï ?
On continue et de plus belle ! On va fêter les 10 ans. En plus, les mois qui viennent vont être magiques : le Centre Pompidou vient s’installer et est inauguré en novembre en même temps que les grandes foires, ART 021 et West Bund, auxquelles nous participons. À Shanghaï, cela marche bien pour deux raisons : 1) pour nous le marché local grandit de jour en jour puisque nous sommes partis de zéro ; 2) cela nous ouvre à toute la région au sens très large, Asie, Asie du Sud et jusqu’à l’Australie qui sont des marchés auxquels on est moins confrontés en Europe. En revanche, c’est dur, il faut beaucoup travailler et s’accrocher.