Expertise

L’expertise en pratique : comment faire estimer une œuvre ?

Par Juliette Hurtut-Kotowicz · L'ŒIL

Le 1 juillet 2005 - 1029 mots

Le titre d’expert n’étant toujours pas protégé, qui le souhaite peut se proclamer expert. Cela pose problème aux particuliers à la recherche d’experts compétents, mais aussi à ces derniers que rien ne permet de distinguer des autres. Quelques pistes...

Certains experts indépendants exercent le métier d’expert, à titre principal. D’autres sont également marchands. « Les parcours diffèrent, explique Catherine Sarcia-Roche, conseil de deux organisations professionnelles d’experts. Un marchand ayant acquis, après de nombreuses années de pratique, une compétence spécifique peut devenir expert dans sa spécialité. D’autres, formés dès l’origine à l’expertise spécialisée, deviendront experts en vente publique ou auprès d’une clientèle particulière. » Il n’y a pas de « label » garantissant les compétences de l’expert, malgré l’existence de diverses listes d’experts agréés. L’agrément mis en place par la loi du 10 juillet 2000, qui devait « officialiser » la compétence des experts « agréés », n’est pas reconnu dans le milieu professionnel.

Les experts de SVV
Les chambres et syndicats d’experts, une trentaine en France, se sont créés avec une grande facilité, mais s’attirant toujours le même reproche : les membres d’un syndicat peuvent « coopter » d’autres membres de leur connaissance. « Certains syndicats revendiquent des conditions d’entrée très strictes, précise cependant Armelle Baron, présidente de la CEDEA, réunissant trois des plus importants syndicats d’experts. Pour choisir un expert, on peut aussi s’adresser à une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (SVV). « Habilité à effectuer des prisées, un commissaire-priseur peut lui aussi recommander l’expert avec lequel il a l’habitude de travailler. » Cette fidélité tend cependant à disparaître… « Les syndicats luttent contre les pseudo-experts, apporteurs d’affaire qui discréditent la profession », explique Armelle Baron. Comme les commissaires-priseurs de Drouot Estimations, les spécialistes de Christie’s et Sotheby’s proposent un service d’expertises. Opportunité, pour ces maisons de ventes, d’une prise de contact pour obtenir des affaires. « Il est recommandé d’envoyer une photographie de l’objet afin de ne pas se déplacer pour rien, précise Alain Renner, vice-président de Sotheby’s France. Sotheby’s se spécialise dans les ventes prestigieuses et met la barre de plus en plus haut. Mais la qualité de nos expertises ne nous place pas au-dessus d’un bon expert indépendant. »
On peut demander à l’expert un avis oral et gratuit ou un certificat portant les caractéristiques de l’objet et son estimation. Ce certificat, payant, engage sa responsabilité. En cas d’erreur dommageable, l’expert peut être poursuivi pendant trente ans à compter de la délivrance de son certificat, dix ans à compter de la découverte du dommage.

Qu’attendre de l’expert ?
Le bon expert est donc assuré. Cette assurance couvre sa responsabilité professionnelle et lui permet d’être solvable en cas de poursuites. L’expert peut-il délivrer un certificat ambigu lui permettant de se dédire en cas d’erreur ? « Il doit, rappelle Catherine Sarcia-Roche, respecter les dispositions du décret du 3 mars 1981, qui donnent aux termes qu’il emploie un sens précis. » Une simple « opinion » diffère d’un « avis » ou d’un certificat, avec mention de date et auteurs. En cas d’erreur, l’expert doit pouvoir prouver qu’il a utilisé tous les moyens dont il disposait pour mener à bien son expertise. Parmi ces moyens, on distingue un examen très attentif de l’objet, le recours à des études scientifiques et techniques, ou la consultation d’ouvrages de référence.

Vendre, mais de quelle façon ?
« Le mode de vente dépend de l’état d’esprit du vendeur, souligne Catherine Sarcia-Roche. S’il a besoin d’argent rapidement, il préférera vendre à un marchand payant comptant. S’il dispose de temps et s’il est d’un naturel joueur, il préférera la vente publique. Et pour vendre en toute discrétion, il recherchera un courtier. » L’intérêt de la vente aux enchères est bien sûr la publicité. « Un client peut choisir de réduire les frais de catalogues, explique Claire de Truchis Lauriston, spécialiste en bijoux chez Christie’s… mais il a tout intérêt à ce que la photo de l’objet soit diffusée internationalement. » Mais tout est négociable, y compris les frais de catalogues. En cas d’erreur dans le catalogue, expert et commissaire-priseur sont coresponsables pendant dix ans, à compter de la vente. Les maisons anglo-saxonnes sont responsables des erreurs de leurs spécialistes. Pour un courtage, l’expert recherche les acheteurs potentiels et négocie au mieux le prix de l’objet. « L’expert est alors le meilleur défenseur des intérêts du vendeur dont il est mandataire, explique Armelle Baron. Il se bat pour l’objet et met tout en œuvre pour intéresser des conservateurs, de grands marchands… » « Le courtage d’un expert a un coût inférieur aux frais perçus par les SVV en vente publique », rappelle Catherine Sarcia-Roche. Dans tous les cas, le vendeur ou son mandataire établira un document justifiant de la vente, portant les caractéristiques de l’objet, sa photographie. Le marchand a en effet le devoir d’informer le vendeur de l’importance de l’objet et de tout ce qui pourrait modifier sa décision de le vendre au prix convenu… On peut toujours demander au préalable une expertise de l’objet, mais « le marchand devine rapidement l’intention du client, sourit Armelle Baron. La relation gagne à être franche et tout peut très bien se passer à l’amiable. » La nature commerciale de la relation entre marchand et client vendeur permet à celui-ci de faire jouer la concurrence et de solliciter plusieurs avis.

Quelques chambres d’experts...

- CECOA, Chambre européenne des experts conseils en œuvre d’art, PARIS, 52 av. de la Motte-Picquet, XVe, tél. 01 45 66 63 84.
- CEDEA, Confédération européenne des experts d’art, PARIS, 91 rue du Faubourg Saint-Honoré, VIIIe, tél. 01 44 71 35 40.
- CEFA, Compagnie des experts français en antiquités et objets d’art, PARIS, 18 rue de Provence, IXe, tél. 0800 21 87 76.
- CNE, Compagnie nationale des experts d’art, PARIS, 10 rue Jacob, VIe, tél. 01 40 51 00 81, www.cne-experts.com
- CNES, Chambre nationale des experts spécialisés en objets d’art et de collection, PARIS, 48 rue Duranton, XVe, tél. 01 45 58 18 00.
- Conseil des ventes, PARIS, 19 avenue de l’Opéra, Ier, tél. 01 53 45 85 45.
- Drouot estimation, PARIS, 7 rue Drouot, IXe, tél. 01 48 01 91 00, www.drouot.fr
- SFEP, Syndicat français des experts professionnels en objets d’art, PARIS, 1 rue Rossini, IXe, tél. 01 40 22 91 14, www.sfep-experts.com
- UFE, Union française des experts, PARIS, 25 rue Bergère, IXe, tél. 01 48 01 03 17.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°571 du 1 juillet 2005, avec le titre suivant : L’expertise en pratique : comment faire estimer une œuvre ?

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