Alors que des affaires ébranlent actuellement le marché de l’art, la Compagnie nationale des experts a réaffirmé la position centrale de l’expert lors des premières assises qui lui sont consacrées.
PARIS- Les premières Assises de l’expertise qui se tenaient le 8 juin ont organisé trois tables rondes thématiques, qui ont tenté de répondre à une question majeure : « Le marché de l’art peut-il se passer d’experts ? » Experts, hauts-fonctionnaires, journalistes, avocats, commissaires-priseurs ont, entre autres, été invités à en débattre. Une telle question se justifie en l’absence de protection légale du titre d’expert et face à la multiplication de succédanés, tels que spécialistes, consultants et autres apporteurs d’affaires dans les catalogues de vente. Dès lors, « faut-il que la sélection se fasse naturellement au gré des problèmes ou faut-il les éviter en amont en s’appuyant sur les compagnies qui sélectionnent les experts et les sanctionnent en cas de manquement ? », a lancé Frédéric Castaing, président de la Compagnie nationale des experts (CNE). Sa réponse fut limpide : s’appuyer sur les compagnies permet de sécuriser le marché et redonner confiance aux amateurs. Et ce terrain doit être reconquis.
Des compétences mal identifiées
Quelle définition donner à l’expert ? La première table ronde a tenté d’y apporter des réponses. Judicieusement, la journaliste Céline Lefranc a mené auprès de son entourage un petit sondage. La majorité des sondés estime qu’il faut détenir un diplôme pour exercer cette profession et pense que les experts officient uniquement en salle des ventes. Très peu mentionnent que l’une de ses principales fonctions est d’estimer un objet. « Le grand public a une image faussée de l’expert, un véritable flou artistique plane autour de la profession », a conclu la journaliste. La multiplicité des organisations professionnelles (la CNE, la Chambre nationale des experts spécialisés, le Syndicat français des experts professionnels) ne participe-t-elle pas à une confusion pour le grand public ? Tout au long des débats, la question de réunir ces organismes en une seule institution s’est posée. « Ce sera difficile car ces chambres se sont construites en réaction contre les autres », est venu rappeler Jean-Michel Renard, expert.
Sabine Bourgey, vice-présidente de la CNE, a énoncé les conditions pour devenir membre de la compagnie : dix ans d’ancienneté, pas plus de deux spécialités, être reconnu par ses pairs, avoir un casier vierge et une assurance ; et surtout, être indépendant. Quant à la formation académique, il n’y en a pas. C’est une formation continue, qui s’appuie sur une méthodologie. « L’œil, on l’a ou on ne l’a pas », a lancé Michel Schulman, président de l’Association des journalistes du patrimoine.
L’enjeu de l’authentification
Actuelle, la question des faux a été abordée. « Ils vont en s’améliorant », a indiqué Sabine Bourgey. « Donner trop d’éléments instruit les faussaires. Il ne faudrait pas avoir accès aux fiches », a ajouté Danielle Ghanassia, expert. L’antiquaire Nicolas Landau n’avait-il pas coutume de dire qu’il respectait les faussaires ? « Ce sont les seuls parmi nous à savoir ce qu’ils vendent ! » Plusieurs intervenants ont également souligné la nécessaire autorégulation des professionnels. « Dans toutes les professions, il y a des brebis galeuses, mais pour un médecin indélicat, envisage-t-on de se passer du corps médical pour laisser la place aux rebouteux ? » a martelé Frédéric Castaing.
La deuxième table ronde s’est attachée à démontrer que l’expert constitue une chance pour le marché. La mise en place du vetting à Drouot lors des temps forts et expositions collégiales a été abordée. « Le point de départ était de protéger l’image de Drouot », a expliqué Alexandre Giquello, président de Drouot Enchères. Mais ce système a ses limites, puisque rien n’empêche encore un opérateur de vendre un lot exclu par le vetting. Le cas s’est produit récemment. « Il faut nous laisser du temps », s’est insurgé Alexandre Giquello. N’oublions pas que Drouot n’est pas une maison de ventes et n’a pas de droit de regard dans la gestion des OVV qui y vendent en son sein. L’idée de mettre en avant les compagnies, et non pas les experts individuellement, lors des vettings de foires d’art a également été lancée. La journée s’est achevée avec une table ronde consacrée aux risques du métier. Judith Golnadel (assurances Siaci) a indiqué que seuls sept à huit sinistres sont déclarés par an, ce qui est peu, et qu’ils sont davantage liés au prix qu’à l’authentification. « C’est surtout la judiciarisation des affaires qui se réglaient avant à l’amiable qui pose problème », rapportait Frédéric Castaing. « L’augmentation des prix a accru les enjeux et suscité ces contentieux avec le besoin impératif de trouver le coupable », a expliqué l’avocat Christian Beer. Le colonel Ehrhart, chef de l’OCBC a résumé simplement les choses : « C’est un métier à risque si l’on veut prendre des risques. C’est surtout un métier de confiance, or la confiance n’exclut pas le contrôle. »
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L’expert en quête de reconnaissance
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°460 du 24 juin 2016, avec le titre suivant : L’expert en quête de reconnaissance