Par la poésie de leurs couleurs et de leurs formes naïves, les poupées kachina des Indiens Hopis d’Arizona enchantent les amateurs.
Tribu des Indiens Pueblos d’Amérique du Nord vivant dans la région très aride du nord-est de l’Arizona, les Hopis aspirent à vivre en harmonie avec la nature et le monde qui les entoure. Pour cela, ils font appel aux esprits tutélaires appelés kachina. « Les kachina sont les éléments spirituels de toute chose matérielle qu’elle soit minérale, animale, végétale, mais aussi des esprits du vent, des morts… Quand ils sont invoqués, il leur est demandé de faire usage de leurs pouvoirs bénéfiques pour aider les hommes à poursuivre leur voyage dans la vie. Ce sont des intermédiaires et des messagers des dieux dont la fonction principale est, par exemple, d’agir sur la pluie, et donc d’apporter des récoltes abondantes », indique le spécialiste Éric Geneste, coauteur d’un ouvrage de référence sur l’art des kachina. Les kachina, dont il existerait selon les anthropologues plus de trois cents effigies, désignent aussi les danseurs hopis masqués, costumés et peinturlurés qui, lors de cérémonies religieuses, incarnent ces esprits divins.
Mais on emploie également le nom de kachina pour les petites figurines, sculptées en bois sacré de peuplier américain (cottonwood), qui sont les représentations miniaturisées des kachina danseurs et donc, par extension, des divinités. Les Hopis ont pour coutume de les offrir aux enfants afin qu’ils se familiarisent avec les esprits. Ces poupées garnissent les poutres et les murs de leurs logis. Elles ne sont donc pas de simples objets rituels utilisés dans les cérémonies, mais des outils pédagogiques servant à la transmission des croyances. Aussi les Hopis les cèdent volontiers aux femmes méritantes ou aux étrangers.
Séduits par le langage poétique de leurs formes originales et par leurs décors polychromes, les collectionneurs se les sont tout naturellement appropriées. À partir des années 1960, l’engouement croissant pour les kachina a même poussé des artistes hopis à sculpter des poupées à l’apparence de plus en plus humaine, avec des motifs et des couleurs éloignés des traditions religieuses. Ces kachina sont des objets touristiques qui ne devraient pas se vendre plus de 100 euros. Il existe néanmoins un marché de ces poupées dont l’échelle de prix s’étend de 2 000 à 50 000 euros, voire au-delà, en fonction de la taille, de la qualité d’exécution, de l’effet esthétique et même de l’ancienneté des kachina. Car, selon Éric Geneste, « à chaque époque correspond un style, des motifs précis et une palette de couleurs, les kachina sont datables à dix ans près. »
Parcours des Mondes
Du 7 au 11 septembre 2011(11h-19h, dimanche jusqu’à 17h, nocturne jeudi jusqu’à 21h), www.parcours-des-mondes.com. Manifestation dans le quartier des Beaux-Arts à Saint-Germain-des-Prés, Paris-VIe : expositions dans les galeries situées le long des rues des Beaux-Arts, Bonaparte, de Seine, Jacques-Callot, Mazarine, Guénégaud, Visconti, Jacob et de l’Échaudé.
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L’esprit des poupées kachina
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Abonnez-vous dès 1 €Les kachina des Zuñis
Installés au Nouveau-Mexique, les Indiens Zuñis sont beaucoup moins nombreux que les Hopis. Leurs poupées kachina, sculptées dans du cottonwood ou du pin de Douglas, sont plus rares. Elles sont aussi différentes : elles présentent des bras amovibles et portent des vêtements de tissu peints, ainsi que de nombreux ornements et accessoires. Celle-ci, aux yeux globuleux peints en blanc, porte un masque cornu surmonté d’une coiffe en éventail, peinte à l’imitation de plumes d’aigle. Elle est vêtue d’une robe et d’une cape blanche aux motifs ornementaux multicolores. Son cou est décoré de la traditionnelle collerette noire, ici réalisée en laine du commerce.
Poupée kachina Shalako (oiseau géant), Zuñi, Nouveau-Mexique, États-Unis, vers 1940. Bois de peuplier (cottonwood), tissu polychrome, cuir, crin et plumes. Hauteur : 39,5 cm. Provenance : collection Hy Zaret.
Adjugée 2 100 euros, le 6 juin 2008, maison de ventes Pierre Bergé & Associés, Bruxelles.
Les kachina des surréalistes
S’ils ne sont pas les premiers à les avoir introduites en Europe, les artistes surréalistes comme André Breton, Paul Éluard et Max Ernst ont fait connaître les kachina en France dès les années 1920. Durant leur exil américain dans les années 1940, Breton et Ernst, amoureux de culture indienne, sont allés à la rencontre des Hopis. Ernst avait même pris l’habitude d’embarquer une poupée kachina lorsqu’il se mettait au volant de sa voiture. Les kachina qui ont été ramenées par ces artistes sont très prisées des collectionneurs, telle cette poupée Holi dont le nom viendrait du cri que le danseur émet continuellement durant sa prestation.
Poupée kachina Holi, Hopi, Arizona, États-Unis, vers 1910-1920. Bois de peuplier (cottonwood), pigments rouge, bleu, rose, jaune et noir, plumes. Hauteur : 30,5 cm. Provenance : ancienne collection André Breton.
Collection du cheikh Saud Al-Thani. Adjugée 50 539 euros, le 17 avril 2003 à Drouot, lors de la succession Breton.
L’art de Tawaquaptewa
Wilson Tawaquaptewa (1873-1960), un grand chef religieux du village de Oraibi, est l’un des rares sculpteurs hopis dont on puisse identifier aujourd’hui l’œuvre. Il a été actif des années 1890 aux années 1950. Son style très personnel est immédiatement identifiable. « Tawaquaptewa mêlait généralement dans ses poupées des éléments de la symbolique hopi ancestrale et des éléments de création personnelle dans l’agencement des formes, la présence de motifs (points noirs) et le choix des couleurs », explique le galeriste Julien Flak. Certains collectionneurs recherchent exclusivement des kachina de ce sculpteur. Il faut compter entre 4 000 et 35 000 euros pièce, selon la taille de la kachina (de 15 à 35 cm).
Poupée kachina Mongwu Wuhti (femme hibou à cornes), Wilson Tawaquaptewa, Hopi, Arizona, États-Unis, années 1930. Bois de peuplier (cottonwood), pigments naturels. Hauteur : 23,5 cm.
Prix : 9 000 euros, galerie Flak, Paris.
La tête dans les nuages
Les kachina avec une coiffe en tableta à escaliers comptent parmi les statuettes les plus appréciées. Mais elles ne sont pas les plus rares. La coiffe en tableta, qui symbolise les nuages, est peinte de différents motifs stylisés (insectes, fleurs, maïs, points cardinaux…) qui sont autant de prières muettes adressées au ciel. Très finement sculptée, cette grande kachina coiffée d’une tableta très élaborée à motifs ajourés incarne Shalako-Mana (la jeune fille oiseau géant) dansant. Sa pose animée est suggérée par les genoux fléchis et la jambe droite légèrement repliée vers l’arrière. Les bras sont sculptés en bas-relief, repliés à angle droit sur le torse plat. Le sexe, signifié par un triangle, est en léger relief. L’ancienneté attestée de cette kachina (vers 1875) en fait un objet d’une très grande rareté.
Poupée kachina Shalako-Mana, Hopi, Arizona, États-Unis, vers 1875. Bois de peuplier (cottonwood) et pigments naturels rouge, blanc, noir et vert. Hauteur : 45,7 cm. Provenance : collection Andrea Portago.
Adjugée 269 600 euros, le 23 juin 2006, Sotheby’s, Paris. Record mondial pour une poupée kachina.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : L’esprit des poupées kachina