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Les « pure players » du marché de l’art

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 13 octobre 2014 - 1057 mots

L’e-commerce de l’art a le vent en poupe : d’ici à cinq ans, sa valeur pourrait doubler, pour atteindre 3,67 milliards de dollars. En France, des sociétés en ligne comme Artsper, Expertissim, Lotprivé ou Artviatic, surfent sur la tendance.

Clic, clic, clic, et l’œuvre est à vous ! Alors que Sotheby’s a conclu cet été un accord avec le géant des enchères eBay pour créer sa plateforme de ventes en ligne, le marché de l’art « online » séduit de plus en plus les collectionneurs. Et sa valeur – 1,57 milliard de dollars en 2013 – devrait plus que doubler d’ici à cinq ans, prévoit l’assureur britannique Hiscox, dans son rapport publié en avril dernier avec ArtTactic. Un chiffre qui englobe un large éventail d’acteurs, puisqu’il prend en compte aussi bien des professionnels de l’art (galeries, artistes et maisons de ventes) que des sites de ventes en ligne (à l’instar d’« Amazon Fine Art Gallery », d’eBay ou encore de son homologue chinois Tabao). Or, parmi ces agents du e-commerce de l’art, les « pure players » indépendants se multiplient : d’après le rapport Deloitte/ArtTactic 2013, quelque trois cents sites liés au marché de l’art ont été ouverts au cours de l’année précédente. Et aux côtés des poids lourds américains Artsy, Artspace ou Paddle8, ou du site d’enchères allemand Auctionata, les Français semblent trouver leur place. Avec chacun une niche et une stratégie. Leurs noms ? Expertissim, Lotprivé, Artsper ou encore Artviatic.

Question de stratégie
Tous ces acteurs se sont construits à partir du même constat des tares du marché classique. « J’ai remarqué que les experts se sentaient fragilisés par les commissaires-priseurs : ces derniers se passent de plus en plus de leurs services pour les objets intermédiaires, dont les prix s’échelonnent entre 300 et 15 000 euros. De plus, les antiquaires, en crise, ressentaient le besoin de nouveaux canaux pour vendre leurs pièces, au-delà des murs de leur boutique », explique Gauthier de Vanssay, fondateur d’Expertissim. Il a décidé de mettre des experts reconnus au cœur de sa plateforme. Contrairement aux autres entreprises de marché en ligne, il stocke donc tous les objets, de particuliers ou de professionnels, qu’il présente à la vente. « Ceci nous donne la maîtrise de l’expertise (avec une garantie civile de l’expert de dix ans sur l’authenticité de l’objet), de la photographie publiée sur le site et de l’expédition – chaque objet est ainsi livré par des transporteurs spécialisés en 48 h », explique l’entrepreneur, qui affiche une croissance de 100 % par an depuis son lancement en 2008.

De fait, les opportunités offertes par le web sont nombreuses. Lotprivé, à partir du constat du nombre important de pièces invendues aux enchères dans le marché intermédiaire, a tissé un réseau avec une quinzaine de maisons de ventes, pour proposer aux internautes les lots qui n’ont pas trouvé d’enchérisseur. Sur cette plateforme, les acheteurs bénéficient des mêmes garanties d’expertise qu’en vente publique, pour des objets d’art proposés à des prix jusqu’à 70 % inférieurs à leur estimation. Artsper, pour sa part, offre une vitrine sur le web à des galeries partenaires, françaises comme internationales. Créé en 2013 par deux jeunes diplômés d’école de commerce, le site, sur un modèle semblable à celui de l’américain Artsy, espère démocratiser l’accès à l’art contemporain par un large éventail d’œuvres, avec des prix d’entrée de 500 euros, tout en proposant une documentation sur chaque artiste consultable en ligne.

Stratégie radicalement différente pour Artviatic. Mise en ligne fin 2012, la société a choisi de se positionner sur le très haut de gamme. Son fondateur, Antoine Van de Beuque, ancien président de la maison Wildenstein – « une maison fermée, où la clientèle négociait les œuvres de façon très discrète » – a pu constater que la multiplication des intermédiaires lors de la vente d’une œuvre d’art pouvait faire monter les prix… au point de la rendre presque invendable. Lui ne prélève que 3 % de la transaction au vendeur et à l’acquéreur et, surtout, garantit l’anonymat de ces derniers, abonnés du site, qu’il met en relation pour une négociation directe. Seules sont acceptées les œuvres estimées à plus de 150 000 euros, figurant dans le catalogue raisonné de l’artiste ou possédant un certificat d’authenticité. En février dernier, cette plateforme internationale, dont les vendeurs sont principalement anglais, américains et allemands, a battu un record pour une vente privée d’œuvre d’art en ligne, avec un tableau de Chagall cédé pour 1,83 million de dollars. Et si le panier moyen s’élève à 450 000 euros, avec 5,6 millions d’euros de transactions en 2013, deux tableaux seraient actuellement proposés sur le site à plus de 5 millions d’euros, mais pour les découvrir, il faut faire partie des quelque cent vingt abonnés happy few !

Une marque/un artiste

Perrier-Jouët & Vik Muniz
Pour les fêtes, Perrier-Jouët a confié la conception de sa bouteille Cuvée Belle Époque Rosé 2005 à l’artiste Vik Muniz. Que voit-on sur cette bouteille ? Un colibri aux ailes dorées qui semble butiner le rinceau d’anémones imaginé il y a plus d’un siècle par Émile Gallé. Que ne voit-on pas ? L’étiquette. « Vik Muniz a décidé de l’enlever et de conserver intact le décor de Gallé », explique Axelle de Buffevent, directrice du style pour Martell, Mumm et Perrier-Jouët, trois marques du groupe Pernod-Ricard. « Si l’on choisit de faire appel à des créateurs, designers ou artistes, c’est bien pour qu’ils nous fassent sortir de notre zone de confort », souligne-t-elle. Il y a quelques mois, c’est elle qui a fait le voyage jusqu’au Brésil afin d’y rencontrer des artistes susceptibles de collaborer pour une édition limitée avec la maison de champagne française, intéressée par ce marché sud-américain en forte croissance. Vik Muniz, dont les méthodes de travail « artisanales » font un héritier plausible de l’esprit Art nouveau emblématique de la marque, a été facile à convaincre. Bien qu’il n’ait jamais signé de produits dérivés jusqu’à présent, l’idée de créer un flacon pour Perrier-Jouët l’aurait immédiatement emballé. L’artiste cite en effet Perrier-Jouët parmi les choses qui rendent la vie agréable dans une œuvre datant de 1991 (Drunken Duel) : détail exquis ou anecdotique, aux collectionneurs d’en juger. Le millésime Belle Époque Rosé 2005, limité à 5 000 bouteilles dans le monde, sera en tous cas mis en vente au prix de 400 €.

Anne-Cécile Sanchez

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Les « pure players » du marché de l’art

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