Dynamisé par les nouveaux modes d’impression, le papier peint s’offre une cure de jouvence créative auprès des artistes et des designers contemporains.
Suranné, le papier peint ? Au contraire. Car, si le Musée des arts décoratifs à Paris lui consacre une exposition du 21 janvier au 15 mai, c’est sans doute aussi pour mettre en lumière son retour progressif dans nos intérieurs comme sur la scène artistique. Tombé en désuétude dans les années 1980, il s’offre en effet depuis le début des années 2000 une cure de jouvence sous l’impulsion de graphistes, designers ou artistes férus de technologies numériques. Ou comment la révolution numérique a rendu possible une révolution esthétique. « Avec les techniques d’impression traditionnelles, que ce soit par héliogravure, flexographie ou au cadre, le nombre des couleurs était limité : difficile d’en avoir plus de douze », remarque Véronique de la Hougue, conservatrice en chef du département des papiers peints du Musée des arts décoratifs de Paris, qui ne compte pas moins de 400 000 pièces. Traditionnellement, pour chaque couleur ou effet, un cylindre différent était nécessaire. Le numérique fait sauter ces contraintes matérielles : une imprimante suffit. Les possibilités créées par les nouvelles technologies débrident l’imagination des créateurs, si bien qu’artistes et designers s’engouffrent dans ce marché, déclinant trompe-l’œil, mangas, motifs abstraits ou même paysages panoramiques. Au point que certains, comme Takashi Murakami avec ses fleurs ou Damien Hirst avec ses papillons, font du papier peint un produit dérivé de leur production…
Comme s’il s’agissait de peintures murales ? À voir. Dès les années 1920, à l’âge d’or des arts décoratifs, des artistes comme Marie Laurencin ou Jean Lurçat s’étaient essayés à ce médium, puis, dans les années 1960, Andy Warhol avait lui aussi conçu des décors muraux, comme on peut encore le voir jusqu’au 7 février au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. De quoi (presque) faire sortir le papier peint de la catégorie des « arts mineurs ». D’autant plus qu’aujourd’hui il n’a plus vocation à tapisser une pièce entière : il habille souvent un seul pan de mur. « On nous achète parfois un rouleau unique… Pour nous, il s’agit de véritables peintures sur papier », confie Blandine Morel, cofondatrice de Wallpapers by Artists, qui édite en série limitée des pièces signées par des artistes contemporains. Quant aux clients, ce sont « généralement des gens du monde de l’art : collectionneurs, commissaires d’exposition, critiques d’art… », confie-t-elle, qui achètent parfois le papier peint sans pour autant le poser sur leur mur.
Haute couture
« Ce nouveau monde pop me ressemble, comme il rassemble et fédère : fans de fanzines, fous de mangas, adeptes de camouflage, hypnotisés de psychédélisme », confie le couturier Jean-Charles de Castelbajac au sujet de son papier peint… tandis que le designer Sacha Walckhoff, directeur artistique de Christian Lacroix, s’amuse dans ses papiers peints créés pour Designers Guild à mélanger papillons réels et fantasques, inspirés de motifs de dentelles par exemple.
« À mon avis, la prégnance de l’informatique avec des systèmes de répétition favorise le goût pour le motif et le papier peint », analyse Véronique de la Hougue, qui a sélectionné ces deux pièces pour l’exposition du Musée des arts décoratifs.
Butterfly Parade – Oscuro, issu de la collection SS13 « Carnets andalous », papier peint à motif répétitif à raccord sauté demi-hauteur, Designers Guild, fabricant.
Prix de vente conseillé : 107 €.
Photo d’artiste
Impression numérique ? On pourrait le croire. Pourtant, ce papier peint du photographe Giasco Bertoli – qui a proposé lui-même de collaborer avec Wallpapers by Artists, qui édite des papiers peints d’artistes en série limitée depuis 2005 – a été imprimé avec des cylindres et avec des techniques classiques. « L’artiste doit composer à l’intérieur de notre format standard : 53 cm de large sur 10,05 m de long. Sa création est ensuite retranscrite chez un graveur, qui adapte le motif pour une impression par cylindre », explique Blandine Morel, de Wallpapers by Artists. Ou comment innover tout en restant traditionnel.
Giasco Bertoli, Georgia, 2013, édition limitée à 228 rouleaux.
Prix : 50 €, Wallpapers by Artists.
Architecture numérique
Exprimer l’esprit d’une architecture… en 2D : tel était le défi de l’architecte irako-britannique Zaha Hadid à travers la gamme de papiers peints « Art Borders Series », dont un modèle est présenté à l’exposition du Musée des arts décoratifs de Paris. Si la répétition d’un motif très contemporain joue avec les codes du papier peint traditionnel, l’impression numérique et l’emploi de laques chatoyantes rendent possible un effet tridimensionnel et des couleurs qui changent avec le mouvement du spectateur.
Prix recommandés : entre 60 et 215,95 € le rouleau, Marburg Wallcoverings.
Trompe-l’œil
Où cet escalier vertigineux conduit-il ?
Au pays des merveilles ? À voir. Ce papier peint panoramique conçu par un collectif
de graphistes créé en 2001, 41, réactive
de façon contemporaine le principe du trompe-l’œil, cher à l’histoire du papier peint. Le prix est le même pour tous les papiers peints panoramiques de Domestic, édités
en série limitée : 480 euros. « Nous avons décidé de ne pas tenir compte de la cote éventuelle des artistes… et faire en sorte qu’un tel décor coûte moins cher que de repeindre un mur », s’amuse Stéphane Arriubergé, directeur de Domestic
41, Down the Rabbit Hole, papier peint panoramique noir, papier intissé imprimé, format panoramique, 372 x 300 cm, made in Allemagne.
Prix : 480 €, Domestic.
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Les papiers peints d’artistes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°687 du 1 février 2016, avec le titre suivant : Les papiers peints d’artistes