NANÇAY
La galerie familiale cultive depuis cinquante ans un enracinement local et offre un regard éclectique sur l’art contemporain.
Nançay. La Galerie Capazza est avant tout une histoire de famille. L’aventure démarre il y a quarante-cinq ans, lorsque Sophie et Gérard (ce dernier est décédé en avril) Capazza, inaugurent en 1975 un centre d’art dans le Cher. « Le premier projet de mes parents était le centre artisanal et artistique du grenier de Villâtre, situé dans le grenier d’une maison à Méreau. L’idée était de créer un espace consacré à la culture et à l’art, dépourvu de toute influence », raconte leur fille Laura, qui a repris le flambeau avec son époux Denis Capazza-Durand. Puis en 1981, Sophie et Gérard déménagent et installent leur galerie, et leurs valises, dans le grand corps de logis des écuyers rattaché au château de Nançay (classé monument historique). Disposant d’un bail emphytéotique de 99 ans, ils ont procédé à la restauration, en étalant les travaux sur plusieurs années, de cette imposante grange du XVIIe siècle qui offre désormais 2 000 mètres carrés de surface d’exposition.
Peu de galeries peuvent se targuer de pouvoir célébrer une si longue existence. Située à deux heures et demie de Paris en voiture, Nançay n’est ni un terreau fertile pour l’art, ni une terre de collectionneurs. La clef du succès, qui amène annuellement 10 000 visiteurs à cette adresse atypique ouverte de mars à décembre ? Un véritable amour pour l’art. Gérard Capazza l’imaginait comme une « maison de la culture qui s’autofinance par la vente d’œuvres ». « Les vernissages rassemblent parfois jusqu’à un millier de personnes, venues essentiellement de Paris mais aussi d’Europe. C’est très réjouissant de constater que les gens se déplacent pour un événement qui a lieu “nulle part” », s’amuse Laura Capazza. « Les salons sont le moyen de faire connaître la galerie et de rencontrer le public. Nous faisons un quart de notre chiffre d’affaires sur les foires. Cela fonctionne par le bouche-à-oreille et la cooptation par les fidèles des nouveaux qui ont passé un agréable moment. Le côté humain et le partage sont essentiels », explique-t-elle.
Quel est le profil des collectionneurs ? « C’est celui qui regarde », affirme Laura, qui à l’instar de son père soutient qu’il faut « ne pas avoir honte de l’émotion ». Fait rare pour une galerie, l’entrée est payante (6 euros). « Depuis le début, nous faisons payer l’entrée. Nous nous sommes rendu compte que cela permettait aux visiteurs les moins avertis de se sentir légitimes en franchissant la porte », estime Sophie. La famille ne ménage pas ses efforts et rivalise d’imagination « en proposant des événements avec des dîners, des concerts, des performances », souligne Denis. La galerie n’a aussi de cesse de développer des partenariats, que ce soit avec le Centre des monuments nationaux, l’hôtel Goüin à Tours (un hôtel particulier propriété du Département où sont organisées des expositions d’art contemporain), ou la Ville de Chartres.
Cette période estivale en est la preuve puisque la galerie signe une exposition confrontant deux sculpteurs, Georges Jeanclos (1933-1997), qu’elle représente, et Auguste Rodin (1840-1917), en partenariat avec le Musée Rodin : une première pour une galerie française puisque toutes les œuvres sont en vente. Ce qui rapproche les deux sculpteurs ? La force du geste, des thématiques communes, et surtout : « tous deux ont fait fi des modes de l’époque », souligne Laura Capazza-Durand. Cette phrase pourrait tout aussi bien résumer la ligne artistique de la galerie qui œuvre aux antipodes des tendances et du traditionnel modèle du « white cube ». « Notre devise : être sérieux sans se prendre au sérieux, assurent à l’unisson Laura et Denis. Le socle de la galerie est de défendre les arts indépendamment de leurs matériaux et de mettre à bas les catégories. Le choix des artistes repose sur la sensibilité. » Ainsi, ce sont quelque 90 artistes qui ont traversé la programmation de la galerie au fil des années. Dans cette sélection éclectique on découvre des sculptures de l’orfèvre Goudji et des céramistes Haguiko et Joan Serra, des peintures (Fabrice Rebeyrolle, Inge Horup) et des photographies (Jérémie Lenoir, Pierrot Men).
Comme chaque été, les Capazza composent un accrochage de groupe autour d’un thème défini l’année précédente. En 2020, soixante de leurs artistes ont répondu à cette phrase de Rodin : « Le torse d’une femme a la pureté d’un vase, grandes courbes simples d’un fruit désiré », dans le cadre de l’exposition « Autour de Rodin » organisée à l’initiative de la galerie, qui se poursuit dans cinq lieux, publics comme privés, de la région Centre-Val de Loire. S’il y en a pour tous les goûts, il y en a aussi pour tous les portefeuilles puisque la fourchette de prix démarre à quelques centaines d’euros pour monter jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les Capazza, galeristes dans le Cher
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : Les Capazza, galeristes dans le cher