Au cours des cinq dernières années, les maisons de ventes publiques avaient de quoi pavoiser. En cédant aux exigences et caprices des vendeurs, elles raflaient les grosses affaires.
Le temps de la gloriole semble révolu. À l’issue des six premiers mois de l’année, Christie’s a accusé une baisse de chiffre d’affaires de 35 % par rapport au premier semestre 2008, ce malgré la vente « Bergé-Saint Laurent ». En fermant le robinet des garanties financières, les auctioneers ont perdu pas mal de leur attrait. Du coup, les catalogues des vacations d’art contemporain en mai à New York et en juin à Londres semblaient bien maigrelets. Les raisons de cette baisse de régime sont multiples. À moins d’être pris à la gorge, les collectionneurs refusent de céder leurs biens en temps de crise. Même lorsqu’ils y sont acculés, ils penchent parfois plus pour les transactions privées. Accusé de collusion dans l’affaire Madoff, le financier Ezra Merkin a été contraint de vendre de gré à gré des œuvres d’art pour un montant de 310 millions de dollars (211 millions d’euros), rapportait la chaîne de télévision financière Bloomberg en juin. Certains amateurs privilégient les ventes privées car ils ne souhaitent pas que leurs proches soient informés de leurs déconvenues financières. Ceux qui ont un besoin urgent d’argent ne s’accommodent pas nécessairement du délai entre le moment où une œuvre est confiée à un auctioneer et celui où il passe effectivement à l’encan. En mai 2008, les héritiers de la galeriste Ileana Sonnabend ont ainsi réglé leur succession en vendant de gré à gré une dizaine d’œuvres pour 600 millions de dollars via le marchand américain Larry Gagosian et le cabinet de courtage Giraud-Pissarro-Ségalot. La confidentialité de l’activité en galerie attire aussi les amateurs inquiets de voir leurs œuvres « grillées » en vente publique. « Aujourd’hui, près de 40 % des pièces qui allaient traditionnellement aux enchères prennent le chemin des ventes privées », constate le marchand parisien Franck Prazan. « On achète bien plus qu’avant, des [Cindy] Sherman et des [Martin] Kippenberger auxquels on n’aurait pas eu accès voilà deux ans », renchérit le marchand new-yorkais Per Skarstedt. Le quotidien New York Times rapportait en avril la vente de deux œuvres de Wayne Thiebaud issues du Museum of Modern Art (MoMA). Le musée new-yorkais, qui avait vendu à plusieurs reprises par l’intermédiaire de Christie’s, avait contacté cette fois Haunch of Venison, la filiale ventes privées de l’écurie de François Pinault. Pour le galeriste new-yorkais David Zwirner, les œuvres vraiment sophistiquées se négocient mieux de manière privée, avec un sens du « sur mesure ». D’après lui, le marketing des ventes publiques ne profiterait qu’à 10 % à 20 % des artistes. Moralité, alors que Sotheby’s enregistre une chute de 48 % de son chiffre d’affaires émanant des ventes publiques pour le premier semestre 2009, elle affiche une progression de 46 % de son département ventes privées. Dans ce contexte, on ne s’étonne guère que les maisons de ventes françaises rêvent de pouvoir pratiquer le gré à gré.
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L’envol du gré à gré
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°310 du 2 octobre 2009, avec le titre suivant : L’envol du gré à gré