Clémence et Didier Krzentowski exposent leur collection à la Galerie des Galeries.
PARIS - Il en va des collectionneurs comme des artistes. C’est l’obsession qui les guide, les anime, les met en mouvement. Mais cette obsession se double, chez les collectionneurs, de la compulsion : vouloir tout saisir, c’est un vertige terrible. Ce que l’on pourrait appeler le « syndrome de Noé », tant il est vrai que, sur son arche, Noé s’attache à collectionner systématiquement deux exemplaires de chaque espèce vivante— Didier Krzentowski collectionne depuis toujours : buvards, images, tickets de métro usagés pour commencer, aux alentours de 6 ans, et puis, de fil en aiguille, art contemporain et design. Rejoint dans sa passion par sa femme Clémence. On en arrive d’ailleurs à les soupçonner de n’avoir créé leur agence, puis leur galerie Kreo, que pour mieux assumer, assurer, leur soif dévorante.
Une collection épatante qui vit, se renouvelle, s’élargit, et au cœur de laquelle ils vivent au quotidien. Pas de coffre-fort pour l’enserrer, mais un usage constant qui relève de la pure dilection. Lorsque Guillaume Houzé propose aux Krzentowski une exposition à la Galerie des Galeries, ces derniers acceptent, limitent leur propos au seul design, proposent un titre délicieux : Aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain, et, astucieusement, suggèrent un œil extérieur, celui de Caroline Bourgeois (commissaire indépendante qui constitua notamment la collection vidéo de François Pinault et assura la direction artistique du Plateau de 2004 à 2008), qui fera donc fonction de commissaire.
Correspondances
Regard en coin, Caroline Bourgeois explore, analyse, tisse des liens et compose un parcours qui non seulement constitue un portrait en creux des Krzentowski, mais encore tisse un fil conducteur, met en lumière la colonne vertébrale de l’ensemble. « Mise en lumière » : l’expression est on ne peut plus juste tant cette familière de Morellet, Flavin, Turrell, Oliasson, etc., trouve bien des correspondances dans la collection et donne à la lumière (au luminaire) une place de choix au sein de cette exposition. D’une borne lumineuse de Le Corbusier pour la ville de Chandigarh (Inde) aux petites merveilles d’Achille et Pier Giacomo Castiglioni en passant par les « icônes » signées Gino Sarfatti, c’est une démonstration.
Pour le reste, ils sont tous là, de Sergio Asti à Nanda Vigo, en passant par Joe Colombo, Naoto Fusakawa, Alessandro Guerriero, Shiro Kuramata, George Nelson, Ettore Sottsass, Roger Tallon...Dans un découpage astucieux, lui aussi de Caroline Bourgeois, parfaitement exploité par la scénographie de Bruno Rousseaud. Aucun tropisme muséal ici. Pas question de « sanctifier » l’objet (qu’il soit rare, précieux ou largement diffusé), mais bien plutôt une mise en situation réelle. S’enchaînent ainsi des salons, des salles à manger, des bureaux et une terrasse qui donnent à voir les créations des meilleurs « crayons » du design international qui ont jalonné la deuxième moitié du XXe siècle et défrichent le XXIe. Exposition parfaite dans le cadre des Galeries Lafayette et qui servira, peut-être, de leçon de choses aux acheteurs du grand magasin. Seul petit ratage, l’absence de cartels, d’autant que les fiches remises à l’entrée ne sont pas d’une lisibilité parfaite. Et un regret : l’absence de chambre, cuisine et salle de bains. Trop intimes ?
Aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain, jusqu’au 30 mai, La Galerie des Galeries, Galeries Lafayette, 1er étage, 40, bd Haussmann, 75009 Paris, tél. 01 42 82 81 98, du lundi au samedi, 11h-19h, jusqu’à 21h le samedi. Accès libre. Catalogue : Les Cahiers du collectionneur, éd. Bernard Chauveau, 17 euros.
Aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain
Commissaire : Caroline Bourgeois
Scénographe : Bruno Rousseaud
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le syndrome de Noé
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Le syndrome de Noé