Les œuvres de verre d’Émile Gallé et des frères Daum de la collection Francis Meyer sont mises aux enchères. Après un pic dans les années 1980, ce marché a retrouvé un cours raisonnable, tout en continuant d’établir des prix notables.
La collection de Francis Meyer (disparu en 2022), constituée de 228 lots (est. entre 2,4 et 3,3 M€) a de quoi séduire les amateurs : « Il y a des pièces que l’on voit très rarement sur le marché et qui sont d’une qualité remarquable », souligne Cécile Tajan, chargée de la vente du 8 octobre chez Sotheby’s Paris.La verrerie Art nouveau émerge en même temps que le mouvement européen dont elle est issue – dans les années 1860 – né en réaction contre l’académisme des arts décoratifs. L’art du verre en reprend les motifs, fusionnant tout à la fois le naturalisme, le symbolisme et le japonisme. Inspirés de la nature, tant de la faune que de la flore, les décors sont empreints d’une forte symbolique. Ainsi, les œuvres ne cherchent pas à représenter la nature de manière réaliste, mais à en exprimer les significations métaphoriques. L’inclinaison d’une fleur peut ainsi signifier la tristesse, quand une libellule peut évoquer la solitude. Ce renouvellement du répertoire décoratif est accompagné d’un développement de techniques innovantes, poussées à leur paroxysme par l’école de Nancy, dont Émile Gallé (1846-1904) est l’un des représentants majeurs. Parmi ces techniques figurent le verre émaillé, le verre multicouche ou encore la marqueterie de verre, dont Gallé dépose le brevet en 1898. D’autres maîtres verriers suivent son exemple : les frères Auguste et Antonin Daum (respectivement 1854-1909 et 1964-1930) expérimentent à leur tour d’autres techniques, comme la pâte de verre. D’autres sont moins connus (et moins cotés) : Charles Schneider, les frères Muller, Almaric Walter ou encore Paul Nicolas. Ces derniers ont souvent commencé leur carrière chez Gallé ou les Daum avant de créer leurs propres ateliers.La verrerie Art nouveau s’épanouit ainsi de 1870 à 1910. Mais dès 1905, le mouvement s’essouffle ; les amateurs et collectionneurs commencent à se lasser des exubérances du style et l’Art déco prend petit à petit le relais.Si ce marché a connu un pic dans les années 1980, avec des prix extravagants, il s’est effondré au début des années 1990, en raison de la crise financière et bancaire au Japon, pays leader dans le domaine à l’époque. Depuis 1995, il s’est assagi et stabilisé sur de nouvelles bases, plus réalistes, tenant à la qualité et à la rareté des pièces. Il rencontre actuellement de nouveaux collectionneurs, venus du monde entier.
Estimation : 35 000 à 40 000 €
2_vase - La collection Francis Meyer est actuellement la plus importante collection privée de verrerie Art nouveau en Europe. D’autres grandes collections, comme celle d’Anne-Marie Gillion Crowet ou Ferdinand Wolfgang Neess, sont depuis entrées dans des institutions. Réunie en une quinzaine d’années seulement, elle renferme des pièces ayant figuré dans des expositions internationales prestigieuses, comme les Expositions universelles de 1889 ou 1900, et se compose principalement de pièces artistiques rares, utilisant des techniques comme la gravure à la roue, la marqueterie de verre et le décor intercalaire.
Vente chez Sotheby’s Paris du 8 octobre 2024.
1_vase - Ce vase faisait partie de la célèbre collection japonaise Nakamoto de verreries nancéiennes. Estimé entre 20 000 et 30 000 dollars, il a multiplié son estimation par trois. Acquis par un collectionneur lorrain, il est revenu sur les terres natales des frères Daum. À l’origine, la manufacture Daum est une verrerie industrielle établie à Nancy qui produit du flaconnage, de la gobeleterie… Rachetée par Jean Daum en 1878, l’entreprise devient une manufacture d’art à partir de 1891, quand son fils Antonin ouvre un département d’art, après avoir découvert l’œuvre de Gallé à l’Exposition universelle de 1889.
Vendu chez Christie’s New York, le 13 décembre 2018.
3_coupe - Cette coupe, qui existe en deux versions – l’une présentant un anneau intermédiaire entre la base et le piédouche et l’autre n’en possédant pas – a été produite en toute petite série, chaque pièce comportent des nuances de décor et de teintes. Celle produite en 1903, dont un exemplaire est conservé au Corning Museum of Glass de New York diffère de celle produite en 1904, visible au Musée de l’école de Nancy. Pièce exceptionnelle du point de vue des techniques employées (travail de ciselure et d’application à chaud), elle est également hautement symbolique, ÉmileGallé s’étant déclaré « l’amant des frissonnantes libellules ».
Vendu chez New Art Est-Ouest Auctions Co., Tokyo, le 8 mars 2008.
4_vase - Ce vase est la pièce maîtresse de la collection Meyer. Un exemplaire figurait dans la vitrine « Repos dans la solitude » à l’Exposition universelle de 1900, à Paris. Deux exemplaires sont conservés, l’un au Musée des arts décoratifs de Berlin, l’autre au Musée de l’école de Nancy. La production de verrerie Art nouveau d’Émile Gallé se divise en deux périodes : de son vivant, avec des techniques artistiques avancées (dans un premier temps, il s’intéresse au travail de l’émaillage puis, à partir de 1884, au verre multicouche qu’il cisèle à la roue) ; et après sa mort, avec une production industrielle de verres gravés à l’acide et dont les prix sont, en toute logique, inférieurs.
Vente chez Sotheby’s Paris du 8 octobre 2024.
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La verrerie Art Nouveau, un marché stable
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°779 du 1 octobre 2024, avec le titre suivant : La verrerie Art Nouveau, un marché stable