À la différence d’autres capitales étrangères, Paris a su conserver plusieurs quartiers d’antiquaires malgré les bouleversements.
Paris. Contrairement à d’autres villes françaises ou capitales étrangères, Paris abrite toujours plusieurs quartiers d’antiquaires, « un privilège rare et précieux dont nous devons être fiers ! », estime Nicolas Kugel. Certains quartiers ont cependant totalement disparu comme celui de la place des Vosges ou le Louvre des Antiquaires (LDA), qui rassemblait il y a encore trente ans 200 professionnels place du Palais-Royal – « une fermeture non directement liée au marché de l’art mais à la stratégie financière du propriétaire qui a souhaité changer la destination des lieux », précise toutefois Bruno Faivre-Reuille. D’autres encore sont moribonds, comme le quartier Saint-Paul.
En 2017, cinq quartiers d’antiquaires tiennent le haut du pavé à Paris. Le plus important d’entre eux reste le Carré Rive gauche, constitué en association depuis 1977. Situé dans les 6e et 7e arrondissements, concentré dans sept rues entre la rue de l’Université et le quai Voltaire, le périmètre accueillait 241 antiquaires en 1987 tandis qu’ils sont 106 actuellement (– 56 %) [1]. Avec la fermeture du LDA, une bonne dizaine de marchands sont pourtant venus grossir les rangs. Si de grandes enseignes ont fermé, telles que Renoncourt, Nicole Mugler, André Metrot, Nicole Altero, Didier Chéreau, Alain Demachy ou encore Boccador, des galeries importantes y sont restées attachées à l’exemple de Ratton-Ladrière, Chevalier, Wanecq… « Il y a quarante ans, 90 % des boutiques étaient occupées par des antiquaires alors qu’aujourd’hui ce chiffre tourne autour de 60 %, constate Jean-Louis Herlédan, président de l’association. Les 40 % restants concernent maintenant des galeries d’art contemporain et de design, qui se sont développées de façon considérable depuis. » Un signe, une dizaine de boutiques annoncent que le bail est à vendre, « ce qui ne se voyait pas dix ou quinze ans auparavant ! », poursuit le marchand.
À proximité, Saint-Germain-des-Prés rassemble une quarantaine d’antiquaires contre 66 il y a trois décennies (– 36,4 %). Si ce chiffre a baissé, le nombre de magasins dévolus au second marché n’a pas fléchi, bien au contraire. Quartier de prédilection des galeries d’art moderne puis d’art contemporain, ce secteur du marché ainsi que celui des antiquités se sont vus grignoter du terrain par d’autres spécialités : le design et les arts premiers. « Cela concerne entre un quart et la moitié des galeries préexistantes », fait remarquer Jean-Pierre Arnoux, galeriste implanté depuis plus de trente ans.
Toujours sur la rive gauche, le Village suisse – qui tire son nom de l’emplacement donné à la Suisse pendant l’Exposition universelle de Paris en 1900 – est établi depuis 1925 sur 21 000 mètres carrés entre le 7e et le 15e arrondissement. De l’aveu même du président de l’association qui régit ce regroupement, Jean-Christian Daveau, « le lieu a perdu de sa notoriété depuis dix ans ». Le nombre d’antiquaires est ainsi passé de 95 à 60 (– 39,2 %). Pourtant, « toutes les boutiques sont occupées ou presque car seulement quatre sont à vendre ou à louer », assure-t-il, avant de poursuivre : « Depuis la fermeture du Louvre des Antiquaires, une dizaine de marchands sont venus s’installer, comme Christian Magnier, Broomand, L’Espadon, Cinthia Conte, La Fille du pirate… Une aubaine pour le Village ! »
En traversant la Seine, le quartier rive droite, concentré sur la rue du Faubourg-Saint-Honoré, ne ressemble plus du tout à ce qu’il était. Les chiffres sont parlants : de 190 en 1987, les antiquaires sont passés à 34 aujourd’hui, enregistrant une baisse de 82 %. Ce quartier est resté pendant longtemps l’apanage des antiquaires à la renommée internationale, mais depuis que Maurice Segoura l’a quitté pour rejoindre la place François-Ier, l’hémorragie n’a pu être stoppée. Tour à tour les galeries Kugel, Mikaeloff, Michel Meyer, Aaron et De Jonckheere ont suivi le mouvement, sans compter Benjamin Steinitz qui vient de transférer ses locaux à l’extrémité de la rue Royale côté place de la Concorde.
Quant au quartier de l’hôtel Drouot, il fait figure d’exception puisque le nombre de boutiques d’antiquités s’y maintient autour de la quarantaine. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait que l’hôtel des ventes draine chaque jour 5 000 visiteurs.
(1) Tous les chiffres de 1987 indiqués dans le texte sont issus du Guide Emer 1987-1988, guide-annuaire européen de l’amateur d’art, de l’antiquaire et du bibliophile, Paris. Les chiffres de 2017 ont été recensés par le Journal des Arts qui a effectué le comptage sur place.
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La topographie des antiquaires à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : La topographie des antiquaires à Paris