PARIS
La galerie Semiose accueille l’artiste japonais, connu pour ses tableaux cosignés il y a quelques années avec Yoshitomo Nara, et qui poursuit à présent son chemin en solo.
Paris. Tous les tableaux rassemblés dans « Shifting Atmospheres », la première exposition personnelle en France d’Hiroshi Sugito (né en 1970), ont été réalisés spécialement pour l'exposition par l’artiste, qui a donné pour leur accrochage des consignes précises. Certains sont encadrés, d’autres pas ; tous sont de format moyen. Les cadres en bois clair ouvragé, manifestement recyclés, évoquent l’univers de la brocante, des objets que l’on chine. Sur deux d’entre eux, des traces blanchâtres de réparations à l’enduit ont été laissées apparentes, soulignant encore leur provenance de seconde main. Sur presque tous, des coups de crayon, lorsqu’on s’approche, sont visibles, comme pour souligner que ces entourages font intégralement partie de l’objet peint. Les toiles simplement tendues sur châssis sont, quant à elles, fixées avec des clous, tantôt blancs, tantôt dorés, et l’une d’elles déborde ostensiblement. Tout cela, on le devine, joue avec une certaine idée du décoratif.
Les peintures d’Hiroshi Sugito, d’ailleurs, sont jolies. Et ce n’est pas dérangeant. Car leur séduction est celle d’une palette délicate mais audacieuse, explorant des harmonies sourdes et inattendues entre des aplats de marron moirés, de vert intense, d’ocre doré, de mauve dilué, de gris bleuté… Leur composition emprunte aux codes de l’abstraction et à ceux du classicisme, la notion même de perspective étant figurée par des hachures en diagonale mimant une fausse naïveté. Seule sur un mur, une nature morte stylisée lorgne du côté de Paul Cézanne et de Giorgio Morandi. Elle fait office, suggère Benoît Porcher, le fondateur de la galerie, de « piège » pour le regard en sortant manifestement de la loi de la série abstraite, tout en témoignant des influences de l’artiste, ou de ses références.
Géographiquement éloigné – voyager depuis le Japon n’est pas simple –, Hiroshi Sugito cultive en outre un mutisme qui ajoute à la distance. « J’aime assez son silence, assure Benoît Porcher. Il ouvre à une forme de spéculation. » Sa peinture plaît en tout cas. Elle a retenu l’attention du critique d’art Frédéric Bonnet, qui l’a remarquée dans la galerie de l’artiste, à Tokyo, et a proposé à Semiose de l’exposer en France. « Une des caractéristiques fondamentales de cette peinture est, en effet, que si elle parle, elle ne discourt pas pour autant […] comme si se révélait un territoire indéfini et flottant », écrit-il.
Si c’est son premier solo (entre 8 000 et 16 000 euros pour cette série), et si on a l’impression de découvrir son nom, Hiroshi Sugito a pourtant déjà connu un succès international, mais en toute discrétion, dans une posture d’effacement derrière Yoshitomo Nara, dont on connaît bien les personnages aux yeux élargis, et avec lequel il a peint à quatre mains jusqu’au début des années 2000 – leurs œuvres étaient d’ailleurs cosignées. Hiroshi Sugito suit désormais sa voie de peintre et crée également des installations ainsi que de petites sculptures fragiles et maladroites qui font penser à celles de Richard Tuttle, mais que la galerie n’a pas pu montrer cette fois.
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La peinture riche de références d’Hiroshi Sugito
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°586 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : La peinture riche de références d’Hiroshi Sugito