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La galerie Denise René ferme son unique espace Marais

Par Henri-François Debailleux · lejournaldesarts.fr

Le 12 juin 2023 - 675 mots

PARIS

Avec la fermeture de cet espace, c’est l’enseigne, tout du moins sous cette forme, qui disparaît du paysage des galeries.

L’espace d’exposition de la galerie Denise René, au 22 rue Charlot, dans le Marais, à Paris (3e), c’est fini ! Enfin presque, puisqu’il fermera définitivement ses portes fin juin. L’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ (1901-1991) disait qu’« En Afrique, un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Il en est de même avec la disparition physique temporaire de cette galerie historique puisqu’avec elle, c’est une véritable institution qui disparaît.

 « Le propriétaire de la galerie a décidé de vendre les murs et comme je n’ai pas les moyens de les racheter nous sommes obligés de les quitter » explique Denis Kilian, neveu de Denise René et directeur de la galerie dont il avait repris le flambeau en 2012, à la mort de sa tante alors âgée de 99 ans. C’est d’ailleurs lui qui avait trouvé ce bail en 1992 (avant d’aller travailler dix ans dans l’édition) pour agrandir et augmenter l’activité du premier espace au 196 boulevard Saint-Germain (dans le VIe) que Denise René avait ouvert en 1966 et qui a fermé sa devanture en juillet 2020. « L’administrateur judiciaire de la succession Denise René avait décidé de reprendre le bail » précise Denis Kilian qui, lui, est volontairement sorti de cette succession. 

Il rappelle par ailleurs qu’il était contre la vente publique organisée par la maison Digard le 5 décembre dernier, à la demande de cet administrateur judiciaire qui en avait l’autorisation officielle, « parce que c’est exactement ce que Denise ne voulait pas. Elle n’a jamais voulu de ventes aux enchères, et l’idée centrale de son testament, même s’il avait des failles, était précisément qu’elle ne voulait pas que ses œuvres soient dispersées » poursuit Kilian.

Denise René avait ouvert sa première galerie en 1944, juste après la Libération de Paris, au 124 rue La Boétie (presque à l’angle des Champs-Elysées), en étage, avec sa sœur Lucienne (la mère de Denis), en présentant des dessins de Vasarely. Elle enchaîne rapidement en exposant les surréalistes et notamment Max Ernst, avec des prêts d’œuvres de Paul Eluard, André Breton, de tout le milieu surréaliste dont elle était très proche. 

Dès 1948, elle prend un tournant assez radical en s’orientant vers l’abstraction géométrique avant un nouveau virage en 1955, date à laquelle elle organise avec Vasarely la désormais célèbre exposition « Le Mouvement » qui fut la première consacrée à l’art cinétique auquel elle est ensuite restée fidèle toute sa vie. Une vie aventureuse et très riche à laquelle le Centre Pompidou avait consacré une exposition au printemps 2001 : « Denise René, l’intrépide. Une galerie dans l’aventure de l’art abstrait. 1944-1978 » à l’occasion de laquelle celle qui était alors la doyenne de la profession nous avait confirmé que « l’époque était passionnante. À la galerie, c’était comme un club, tout le monde se retrouvait pour discuter ». Sans oublier qu’elle avait organisé la première exposition de Mondrian à Paris en 1957, celle dont elle disait « être la plus fière ».

Plus de soixante plus tard, Denis Kilian indique que « cette fermeture de l’adresse va nous obliger à réfléchir à un nouveau positionnement, notamment sur Internet et sur les réseaux sociaux. Et à mettre en place le nouveau concept d’une structure qui ne peut pas et ne veut pas se mettre sur le terrain de la tendance actuelle orientée vers la financiarisation de l’art qui n’a jamais été dans l’ADN de la galerie et de Denise René »  

Prémonitoire ironie du sort, l’actuelle exposition collective réunissant les œuvres d’une quarantaine d’artistes et qui restera donc comme la dernière de la rue Charlot, est intitulée « hier |demain ». Destinée à montrer les figures historiques de la maison (Carlos Cruz-Diez, Robert Jacobsen, Julio Le Parc, Aurélie Nemours, Jesus-Rafael Soto, Victor Vasarely…) aux côtés d’artistes plus contemporains (Anne Blanchet, Elias Crespin, Carlos Medina, Christian Megert, Etienne Rey, Ines Silva…) promus par l’enseigne depuis quelques années, son titre rappelle parfaitement le passé et évoque le futur. Une soirée de finissage est prévue le jeudi 15 juin à partir de 17h, au 22 rue Charlot.

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