Le marché de la céramique contemporaine est en pleine évolution, attirant des artistes comme Cindy Sherman ou Joseph Kosuth. Réunis sous le titre « Visitors to Clay », des œuvres signées de nombreux artistes sont actuellement exposées à New York dans le second espace d’une galerie pionnière en la matière, la Garth Clark Gallery.
NEW YORK - Garth Clark, historien pionnier dans le domaine de la céramique moderne et contemporaine, auteur d’une vingtaine d’ouvrages de référence sur le sujet et marchand de premier plan, a ouvert voilà vingt ans avec son associé Mark Del Vecchio une galerie de céramiques à New York. Depuis, la Garth Clark Gallery a contribué à la renommée de céramistes contemporains comme Beatrice Wood, Robert Arneson, Ron Nagle, Ken Price ou Peter Voulkos, pour ne citer que quelques-unes des stars du marché actuel. Mais il a fallu du temps avant que la critique ne jette un œil bienveillant sur leur travail. “Pendant nos huit premières années d’activité à New York, nos expositions n’étaient pas chroniquées dans les pages Art des quotidiens, mais dans les pages Maison, en regard de recettes de cuisine”, se souvient Garth Clark.
Depuis l’ouverture de sa galerie, Garth Clark a vu le marché de la céramique changer radicalement. Signe des temps, il a ouvert en septembre dernier une seconde galerie de céramiques à Long Island City, à quelques mètres du centre d’art contemporain P.S. 1. Dans ce nouvel espace sont exposées, sous le titre “Visitors to Clay” et jusqu’au 8 mars, des œuvres d’artistes modernes et contemporains qui ont fait des intrusions plus ou moins prolongées dans le monde de la céramique. Une soupière délicieusement rococo signée Cindy Sherman, inspirée d’un modèle commandé par Mme de Pompadour, côtoie un conceptuel service en porcelaine de Joseph Kosuth, des empilements de plats jouant très brillamment des couleurs et de leurs reflets par Dan Flavin, et une nature morte de George Segal s’amusant à imiter Cézanne. Plus loin figurent une édition de Claes Oldenburg et une “multitude” d’Arman, des pots de James Brown, des pièces uniques de Picasso, une sculpture de Louise Nevelson et un plat peint par Pollock en 1939 – au plus profond d’une dépression –, un drôle d’oiseau par Miró, ou encore plusieurs œuvres de Lucio Fontana, qui a très sérieusement travaillé avec ce médium durant toute sa carrière.
Si ne sont volontairement pas représentées, cette fois, les authentiques céramistes modernes et contemporains qui constituent l’activité de base de la Garth Clark Gallery, cette exposition rend néanmoins compte de la diversité des pratiques que peut recouvrir aujourd’hui le terme de céramique. Elle témoigne également du potentiel du marché. En effet, si rien, à part le matériau, ne rapproche la soupière de Cindy Sherman d’une œuvre de Ron Nagle, l’un des représentants les plus cotés de la céramique postmoderne, le succès de la première profite au second. “Lorsqu’une édition en porcelaine de Jeff Koons atteint plusieurs millions de dollars aux enchères, cela entraîne la critique et le marché de l’art contemporain à changer de regard sur la céramique dans son ensemble”, observe Garth Clark. Précisant toutefois que le marché européen, et français en particulier, “reste très méfiant, voire hostile, à l’égard de la céramique”, il note, aux États-Unis, un engouement croissant pour les céramistes. “Le marché new-yorkais comme la critique, ajoute-t-il, sont aujourd’hui beaucoup plus ouverts et enthousiastes, prêts à accepter la céramique au titre de l’art.”
De fait, les prix augmentent spectaculairement. Garth Clark estime que “des pièces majeures d’Arneson peuvent se négocier aujourd’hui entre 350 000 et 400 000 dollars [entre environ 327 500 et 374 300 euros]. Celles de Voulkos, qui est mort en 2002 et dont la cote ne cesse d’augmenter, peuvent atteindre 250 000 dollars, et il peut en coûter quelque 270 000 dollars pour une céramique de Fontana”. Le marché de la céramique reste néanmoins segmenté. Il faut distinguer le marché de la sculpture de celui de la poterie, chacun ayant traditionnellement ses artistes et ses acheteurs. Mais il faut désormais compter, remarque Garth Clark, avec “des collectionneurs qui viennent du monde de l’art contemporain et non pas de celui des arts appliqués ou décoratifs. Ils sont, ajoute-t-il, de plus en plus nombreux à s’intéresser à la céramique et représentent aujourd’hui la moitié de mes clients”. Aussi, de plus en plus d’importantes galeries d’art contemporain de New York, à l’instar de Gagosian, qui représente Andrew Lord, n’hésitent pas à exposer des céramistes.
Si ce phénomène reste encore limité au territoire américain, l’organisation en octobre dernier à Savone, en Italie, d’une première Biennale de la céramique dans l’art contemporain témoigne du regain d’intérêt de quelques commissaires d’exposition européens pour le sujet. Significatif encore d’une possible évolution du marché est le cas de Grayson Perry. Ce céramiste anglais qui couvre ses vases d’une iconographie figurative violente, exposé dès 1991 par Garth Clark, est désormais collectionné et représenté à Londres par Anthony d’Offay et Charles Saatchi. Il a même bénéficié d’une exposition personnelle au Stedelijk Museum d’Amsterdam l’été dernier. La cote de Perry est encore raisonnable, mais maintenant qu’il est passé du cercle des céramistes à celui des “Young British Artists”, cela risque de ne pas durer.
- VISITORS TO CLAY, jusqu’au 8 mars, Garth Clark Gallery Long Island City, 45-46 21st Street, Long Island City, tél. 1 718 706 2491. - GWYN HANSSEN PIGOTT, jusqu’au 1er mars, Garth Clark Gallery, 24 West 57th Street, New York, tél. 1 212 246 2205.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La céramique attire les artistes contemporains
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : La céramique attire les artistes contemporains