La Biennale des antiquaires à l’heure des choix

PARIS - La Biennale de Paris reste un événement à part, mais les petites luttes intestines gangrènent l’événement, à un moment où au contraire, les marchands devraient se serrer les coudes. Car la concurrence est rude. Il n’y a qu’à observer Frieze Masters, qui n’a que deux ans d’existence, pour s’en rendre compte. « Frieze est devenu une marque, avec une organisation sans faille. Ce que l’on a perdu comme terrain en France a été gagné par Londres », commente Franck Prazan.

Figurant en bonne place au chapitre des critiques, le nombre de participants en baisse. À peine 90 en 2012, ils étaient 120 en 1998 et 180 en 1992. Davantage de galeries étrangères doivent être présentes. « Plus on est de très bons marchands, mieux on vend », lance Jacques de la Béraudière. Inimitiés persistantes, prix prohibitifs des stands (1 200 euros le m2 contre 600 à Tefaf), durée de l’événement (quinze jours, alors que les foires courtes sont plus efficaces), autant de raisons qui ont causé l’hémorragie des exposants. Pour Alain Marcelpoil, « s’ils les participants ne viennent pas, c’est avant tout parce que les Français n’achètent pas. Je n’ai vendu qu’à des étrangers ou des Français expatriés. Aucun français de France ». Il manque aussi des disciplines, comme la Haute époque (les galeries Bresset, Brimo de Laroussilhe, Ladrière), des galeries de peinture et mobilier ancien et du design (Laffanour, Jousse, Seguin ont quitté le navire).

La présence des joaillers est vivement critiquée. Même s’ils ont toujours été présents depuis 1962, ils sont passés de sept en 2010, à quatorze en 2014. Erreur de positionnement ? C’est avant tout une foire d’antiquaires qui n’ont pas la même clientèle. Hervé Aaron, juge pourtant qu’ils sont nécessaires : « leur pouvoir de frappe est important. Des sponsors n’amèneraient pas de clients, du Japon et de Chine. C’est déjà un premier pas de les attirer. À nous de leur expliquer que la dimension culturelle compte aussi. Cependant, il faut un juste dosage entre joailliers et antiquaires ». En effet, certains militent pour qu’ils ne soient pas plus de six et uniquement ceux dont c’est le métier. D’autres ne voudraient que des bijoux anciens.

Que le Syndicat national des antiquaires soit aussi organisateur de l’événement compte également parmi les griefs. Les avis sont partagés : certains l’estiment bien rodé, d’autres pensent qu’une société extérieure supprimerait les tensions internes. Cette question relance le problème du plan au sol : entre un plan identique à chaque Biennale, pense Oscar Graf et « tous à la même enseigne », lance Éric Pouillot, un plan plus linéaire serait plus juste.

L’annualité ou non de la foire est aussi en question. Chacun avance son argument. Pour Franck Prazan, « la Biennale est une marque. Si elle est annuelle, elle perdra de son événementiel ». Jacques de la Béraudière s’insurge : « il est ridicule de laisser s’échapper nos collectionneurs à Maastricht tous les ans ». Quant à Xavier Eeckhout, c’est l’approvisionnement qui posera problème. Enfin, plusieurs exposants soulignent que le comité d’experts devrait être uniquement composé de professionnels totalement extérieurs.

Voilà autant de questions à résoudre avant la prochaine édition en 2016. Ou 2015 ?