Jeffrey Deitch provocateur

Ce New-yorkais défraie la chronique et parie sur SoHo

Le Journal des Arts

Le 12 septembre 1997 - 541 mots

Les expositions organisées cette année par Jeffrey Deitch dans sa jeune galerie ont plus d’une fois défrayé la chronique. Tout en jouant sur la provocation, le galeriste, qui représente Jeff Koons, parie aujourd’hui sur SoHo.

NEW YORK. Privilégiant les artis­tes japonais, la galerie Jeffrey Deitch a présenté l’année dernière un ensemble de manifestations ouvertement violentes, voire provocantes, à l’image des copies du Penseur de Rodin réalisées par Cody Choi en Pepto-Bismol, des poupées de Beth B. évoquant des attentats à la pudeur, des tubes bordés de gel au silicone d’Emiko Kasahara, de la performance d’Oleg Kulik mimant un chien, ou du Jardin du Nirvana de Noritoshi Hirakawa, composé de petites culottes usagées. Jeffrey Deitch explique que sa principale passion consiste à découvrir des artistes japonais. Pourtant, avec sa tactique de galeriste chic et choc, il apparaît plutôt comme un provocateur à la mode. En homme d’affaires avisé, il a toujours parié contre la sagesse conventionnelle du monde de l’art. Après une décennie consacrée uniquement au courtage, il a ouvert sa première galerie l’année dernière à SoHo, juste au moment où tout le monde en partait. Si ses expositions "à sensation" ont prêté à la moquerie, elles lui ont permis d’atteindre le but qu’il s’était fixé de toucher un vaste public de non spécialistes.

Travailler avec l’artiste
Jeffrey Deitch a observé et analysé le déclin, dans les années quatre-vingt-dix, du modèle traditionnel des galeries d’art contemporain. “Il faut tout d’abord un espace vraiment à part, dit-il. Ce doit être une expérience esthétique globale. On ne peut pas s’installer dans un bâtiment abritant trente galeries identiques. Il est très difficile de gagner de l’argent en présentant des jeunes artistes. Dans le même temps, les frais de représentation sont faramineux”. Il s’est installé sur Grand Street, dans l’espace laissé vacant après la mort du galeriste Fawbush en 1995, et a décidé de travailler avec les artistes sur des “projets”, plutôt que de prendre la responsabilité de les représenter. Si le projet marche, la relation avec l’artiste peut évoluer, comme ce fut le cas avec Mariko Mori. Deitch organise des expositions mensuelles, estimant que “les gens viennent dans ce quartier à peu près une fois par mois, et je veux qu’ils voient quelque chose de nouveau et de récent chaque fois qu’ils viennent”. Il parie aujourd’hui sur SoHo : “Si l’on analyse logiquement les choses, s’installer à Chelsea n’a aucun sens. Les loyers y sont plus élevés qu’ici, et les espaces encore libres sont effroyables. Les galeries qui s’y installent aujourd’hui ne survivront pas, puisqu’en plus d’un loyer prohibitif, elles devront investir quelque 250 000 dollars  (1,5 million de francs) dans la rénovation. Ici, non seulement j’ai le SoHo Grand Hotel de l’autre côté de la rue, mais je suis tout près de TriBeCa et de Wall Street, qui sont les quartiers qui montent”. Il vient d’ailleurs d’acheter un ancien dépôt de bois dans Wooster Street, qu’il compte utiliser comme galerie pour les artistes déjà établis. Jeffrey Deitch mène par ailleurs des activités fort lucratives de courtage, tout en travaillant sur la collection du marchand Dakis Joannou, chargé des acquisitions de la Deste Foundation. Il représente en outre les intérêts de Jeff Koons, dont il vient de vendre plusieurs œuvres nouvelles au Musée Guggenheim de Bilbao.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°43 du 12 septembre 1997, avec le titre suivant : Jeffrey Deitch provocateur

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