PARIS
« Je veux donner aux gens l’envie de beaux projets ».
Après avoir ouvert en 1987 une galerie spécialisée en art contemporain, vous lancez « Monumental Art Project », une agence dédiée à la sculpture monumentale. En quoi consiste cette nouvelle activité ?
Avec cette agence, j’ai envie de sortir du cadre de ma galerie pour travailler avec l’ensemble des artistes qui m’intéressent. Je collabore pour cela très souvent avec d’autres enseignes, que ce soit Jérôme de Noirmont ou Thaddaeus Ropac (Paris), tout en respectant leurs territorialités. L’agence m’oblige aussi à réfléchir à un autre lexique, à des outils de communication adaptés aux besoins des entreprises. J’ai déjà travaillé avec des communes, notamment Angers, il y a deux ans, pour y installer une grande sculpture d’Igor Mitoraj. Mais en France, les villes sont bien outillées pour organiser l’implantation de sculptures monumentales, ceci avec les conseils de la délégation aux Arts plastiques. Ce sont donc plutôt les entreprises que je veux toucher en premier lieu. Celles-ci ne sont pas toujours informées des avantages d’une commande. Or aujourd’hui, lorsqu’une société commande une œuvre à un artiste vivant, et qu’elle la place dans ses locaux, elle peut l’amortir sur cinq ans. Cette œuvre échappe à l’impôt sur les bénéfices, qui s’élève à 33 %.
La sculpture en général est réputée difficile à vendre. Avez-vous senti une évolution sur le plan aussi bien des mentalités que des prix ?
En 1997, lorsque Mark di Suvero a installé des sculptures à la Villette, sur les marches de Très Grande Bibliothèque ou encore sur l’esplanade des Invalides, aucune n’a été achetée. Mais j’avoue que, depuis que j’ai ouvert ma galerie, j’ai vendu chaque année entre cent trente et cent cinquante sculptures, petites ou grandes. Les prix des sculptures ne sont toutefois pas aussi exponentiels que ceux de la peinture. On ne voit pas de coup de folie comme sur le tableau de Peter Doig, parti à 11 millions de dollars (8,3 millions d’euros). Les prix de Henry Moore ou d’Alberto Giacometti se sont construits dans le temps. D’ailleurs, on ne constate pas d’énormes écarts de prix entre les artistes connus et très connus. Sans doute parce qu’il existe une résistance des entreprises et des communes à acheter au-delà d’une certaine somme.
Sotheby’s a initié en 2004 des ventes privées de sculptures sur le parcours du golfe d’Isleworth en Floride. Certaines dispersions comme celles des marchands Marianne et Pierre Nahon (en 2004) ou Patrice Trigano (1) offrent aussi des spécimens de sculptures d’extérieur. Ces vacations produisent-elles un effet sur le marché ?
Il y a une évolution de la demande qui vient évidemment des États-Unis. Je n’ai pas été surpris par l’enchère de 433 600 euros pour la Nana de Niki de Saint Phalle chez Nahon. Quelques mois avant cette vente, j’avais vendu une Nana pour 460 000 euros. Aujourd’hui, de telles pièces vaudraient 600 000 euros.
Pourquoi l’Asie et le Moyen-Orient sont-ils aussi intéressés par la sculpture monumentale ?
À Taïpeh, par exemple, l’architecture n’est pas ambitieuse et le besoin d’une attractivité par la sculpture se fait sentir. D’où la sculpture de Jesús-Rafael Soto que j’ai produite et installée à l’entrée du China National Petroleum Corporation de Taïpeh. Il existe aussi un besoin culturel de la part des Chinois. La sculpture a été l’un de leurs premiers réflexes pour le Centre des congrès des Jeux olympiques de Pékin, projet sur lequel je travaille actuellement. Au Moyen-Orient, la sculpture sert de repères dans les grandes villes nouvelles.
La sculpture compte aussi ses dérives avec les horreurs qui ponctuent les autoroutes…
Avec la sculpture, on ne peut pas tricher. Les excès sont d’autant plus catastrophiques qu’ils sont visibles. Ces dérives sont souvent liées à l’association d’artistes médiocres et de donneurs d’ordre médiocres. Voilà pourquoi je veux donner aux gens l’envie de beaux projets.
(1) le 5 juillet 2005 chez Christie’s Paris.
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Jean-Gabriel Mitterrand, directeur de la galerie JGM. à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°255 du 16 mars 2007, avec le titre suivant : Jean-Gabriel Mitterrand, directeur de la galerie JGM. à Paris