L’artiste colombien cherche à créer du lien et gommer les différences en jouant avec les repères, les mots, les images….
Paris. Les expositions d’Iván Argote sont généralement très complexes. Intitulée « Deep Affection », celle-ci nous le rappelle d’autant mieux qu’elle conjugue films, photos, sculptures, installations, textes et dessins, et touche tous les domaines, aussi bien géographique qu’historique, poétique que politique, artistique que sociologique. C’est d’ailleurs par de la géographie que le parcours commence avec la projection d’un film, As far as we could get dans la première grande salle de la galerie, réalisé dans deux villes, Neiva en Colombie et Palembang en Indonésie, qui ont la particularité de se trouver exactement aux antipodes l’une de l’autre. Une façon d’évoquer notre rapport au monde et de nous dire de ne pas perdre le nord, de garder les yeux en face des trous et surtout les pieds sur terre, même quand on a la tête en bas ou dans les étoiles. Cette notion d’ancrage est d’ailleurs rappelée par les lourdes dalles en béton rosé qui recouvrent tout le sol de cette même salle et qui font penser, encore une histoire de pied, à un jeu de marelle (à la façon, linéaire ou non linéaire d’un Julio Cortazar) pour lire de façon verticale ou latérale les mots des poèmes écrits par Argote et qui, eux aussi, évoquent l’ici, l’ailleurs, notre rapport à l’autre, à l’histoire et à la modernité. Une lecture qui, tout au long de l’exposition, relève du rébus, à l’exemple des traits d’union entre trois photographies, réparties dans trois salles et tirées d’archives familiales où l’on voit des enfants engagés dans des manifestations.
Des mots, on en découvre encore dans une série d’œuvres intitulées « Skin » et constituées de croûtes de béton déchirées, entrelacées, superposées sur lesquelles sont peints en noir des mots ou plutôt des bribes de mots comme autant de slogans, à reconstituer comme dans un puzzle. Le même jeu est à l’œuvre dans une suite de reliefs muraux titrés Setting up a system, qui font se chevaucher des dessins de l’artiste et des feuilles de La Chronique de Nuremberg (une encyclopédie de 1493) découpés au laser qui évoquent les habitants des antipodes avec les pieds inversés, une idée que l’on retrouve figurée dans cinq petites sculptures en bronze qui jalonnent l’exposition et dont l’une est même installée dehors sur une fenêtre. Elle est l’exemple même de ces allers-retours constants entre intérieur et extérieur, mémoire individuelle et collective, créations personnelles et archives, comme autant de filtres et de moyens pour créer des liens, des rapprochements entre présent et passé, le soi et l’autre et réduire la notion de différence.
Compris entre 7 000 euros pour une œuvre sur papier et 30 000 euros pour une « Skin » en ciment (70 000 € pour la plus grande), les prix sont normaux pour un artiste certes encore jeune (il est né en 1983 à Bogota en Colombie et installé à Paris depuis 2006), mais très présent sur la scène internationale.
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Iván Argote, le je de l’autre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°504 du 22 juin 2018, avec le titre suivant : Iván Argote, le je de l’autre