Les minéraux passionnent les collectionneurs spécialisés. Mais ils séduisent aussi le milieu de l’art et de la décoration, alimentant une inflation pour certaines pièces.
La nature crée des merveilles, telles ces formes minérales s’apparentant parfois à des œuvres d’art. Deux types d’acheteurs bien distincts s’y intéressent. Tout d’abord les aficionados de minéralogie qui traquent les pièces manquantes de leur collection. Sur plus de cinq mille espèces minérales recensées, deux cents peuvent revêtir de multiples aspects et couleurs, comme la calcite, qui se décline sous des centaines de formes différentes et de nombreuses teintes.
Mais hormis ces systématiciens qui ont pour objectif de rassembler un échantillon de tout, la plupart des collections s’orientent vers une zone géographique (par exemple, les minéraux français, malgaches ou brésiliens) ou une espèce minérale, telle la fluorite, recherchée pour ses cristaux quasi parfaits et sa variété de couleurs, la plus large qui soit connue pour un minéral. Les amateurs chinent sur les nombreuses bourses minéralogiques. Les plus réputées sont celle de Tucson aux États-Unis (en février), le Salon Euro-Minéral à Sainte-Marie-aux-Mines en Alsace (en juin) et le Mineral Show de Munich en Allemagne (en octobre).
Les ventes aux enchères constituent un petit complément sur ce marché constamment alimenté par de nouvelles pièces extraites de gisements aux quatre coins du monde.
Les minéraux « bling-bling »
En France, les minéraux qui atteignent les plus gros prix aux enchères sont les plus spectaculaires, « ce sont des minéraux bling-bling », commente l’expert Alexandre Delerm, ancien ingénieur civil des Mines. Les gros et beaux minéraux sont mis en valeur dans le milieu de la décoration. Tandis qu’en les assimilant à des œuvres d’art, les maisons de ventes les proposent à des prix fous, sans commune mesure avec leur valeur réelle dépendant de leurs qualités intrinsèques.
Car la cote des minéraux de collection répond précisément à des critères de rareté et de qualité des espèces, de dimensions et de couleurs. Les couleurs franches comme le bleu, le vert, l’orangé et le rouge (rare dans les minéraux) sont plus appréciées que le noir, le blanc et le gris. Les spécimens doivent aussi avoir une forme agréable et être en bon état. Un pedigree peut augmenter la valeur d’un minéral, à condition qu’il se rapporte à une collection privée ou publique connue dans ce domaine, la plus prestigieuse référence étant le Smithsonian, muséum d’histoire naturelle aux États-Unis.
Gros cailloux ou œuvres d’art ?
Provenant de mines de cuivre américaines, européennes (France, Angleterre), africaines ou d’Israël, la chrysocolle aux reflets bleu-vert n’est pas une gemme rare, même si les pièces de grande taille sont moins courantes. Jouant sur le côté décoratif, la maison de ventes voulait attirer l’attention de ses clients (traditionnellement des amateurs d’art) sur ce qu’elle décrit dans son catalogue comme une « véritable œuvre d’art naturelle au sens où l’entendaient les surréalistes » et une « véritable pièce de cabinet de curiosités pour de grands amateurs ». « Cette grande pièce, avec son éclat bleu-vert vitreux, captive l’assistance avec ses touches de quartz blanc et ses contrastes créés entre la malachite verte et le bleu azuréen de l’azurite. Toutes ces nuances retiennent irrésistiblement le regard comme le ferait une composition d’art moderne représentant les flots dansants d’une mer aux vagues mousseuses », peut-on encore lire. Pas étonnant que ce beau spécimen ait atteint un prix « délirant », selon les minéralogistes.
Grande chrysocolle, mine Ray, Pinal County, Arizona (États-Unis).
Dimensions : 33 x 47 cm.
Adjugée 16 250 euros, le 5 octobre 2010, Sotheby’s, Paris.
Un grand nom ne fait pas le pedigree
Sur le marché de l’art, la provenance prestigieuse d’une œuvre peut parfois doubler, tripler, voire décupler son prix. Pour les minéraux aussi, sauf que les pedigrees qui comptent ne sont pas les mêmes que dans l’art. Associé à des minéraux, le nom d’Yves Saint Laurent n’a aucune valeur, le collectionneur d’art ayant simplement fait quelques acquisitions dans un but purement décoratif. À y regarder de plus près, ce morceau de quartz lui ayant appartenu est un spécimen brésilien courant, beaucoup moins recherché que les morions (quartz bruns ou noirs) des Alpes. Sauf s’il s’agit de cristaux géants du Brésil mesurant plusieurs mètres et pesant plusieurs centaines de kilos. Compte tenu de ses dimensions et parce qu’il est en bon état (aucune pointe abîmée), ce quartz a une valeur légitime de 2 000 euros. Son acheteur, qui l’a largement surpayé (46 600 euros !) malgré l’estimation indicative de 3 000 euros, aura du mal à le revendre aussi cher.
Quartz noir. Dimensions : 53 x 44 cm. Provenance : collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé.
Adjugé 46 600 euros, le 25 février 2009, Christie’s, Paris.
Une espèce rare
Pierre fine utilisée dans la joaillerie, la liddicoatite est une espèce rare de tourmaline dont les principaux gisements se situent à Madagascar, au Brésil, en Suède ou encore en Italie. Ce minéral a été baptisé ainsi en l’honneur du célèbre gemmologue américain Richard Liddicoat. Cet échantillon de 8 à 12 centimètres de diamètre se présente sous la forme d’une tranche découpée, perpendiculaire à l’axe principal d’un cristal de liddicoatite. Cette plaque polie, en excellent état, montre des zones d’accroissements triangulaires polychromes. En son centre, elle présente une rare étoile à trois branches de type « Mercedes » qui en fait une pièce très recherchée. Sa provenance muséale new-yorkaise est un plus.
Tranche de tourmaline, liddicoatite, Madagascar.
Dimensions : 12 x 8 cm. Provenance : ancienne collection Thomson de l’American Museum of National History de New York (copie de l’étiquette originale).
Préemptée 1 610 euros par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, le 7 mars 2011 à Drouot, maison de ventes Ève, Paris.
Les minéraux français
La France abonde en gisements de minéraux qui n’ont rien à envier à ceux de pays plus lointains. Citons les fleurines roses du Mont-Blanc, les vertes et les bleues d’Auvergne ou encore les azurites et cuprites de Chessy-les-Mines dans le Rhône. De réputation mondiale, la mine des Farges à Ussel, en Corrèze, fermée en 1981, a fourni de beaux spécimens de minéraux de collection de différents systèmes cristallins. Les échantillons de pyromorphite des Farges sont particulièrement prisés des collectionneurs et des musées. Le Muséum d’histoire naturelle de Paris en possède plusieurs. Celui-ci présente une belle architecture de cristaux brun-orangé brillants sur une gangue de barityne (sulfate de baryum).
Pyromorphite à gros cristaux sur barityne, mine des Farges, Corrèze.
Dimensions : 13 x 10 cm.
Adjugée 310 euros, le 26 mars 2011, maison de ventes Leclère, Marseille.
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Investir dans la pierre
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Salon Euro-Minéral du 23 au 26 juin 2011, Sainte-Marie-aux-Mines (68), tél. 03 89 50 51 51, www.euromineral.fr
Maison de ventes Ève, 25, rue Drouot, Paris IXe, tél. 01 53 34 04 04, www.auctioneve.com
Maison de ventes Leclère, 5, rue Vincent-Courdouan, Marseille, tél. 04 91 50 00 00, www.leclere-mdv.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°635 du 1 mai 2011, avec le titre suivant : Investir dans la pierre